Extrait de l'émission CPU release Ex0156 : lost + found (volume 12 : Et voici 2021).
Manifestation vendredi 29 janvier, place du Capitole, à midi
Le plateau de l'émission que vous aviez entendu jusqu'ici a été enregistré le samedi 9 janvier 2021 et à ce moment-là, on espérait qu'on allait avoir de meilleures nouvelles pour l'année. On ne vous cachera pas qu'on essaie de garder la bonne humeur, mais certains sont au chômage faute d'activité, d'autres on beaucoup de boulot mais chez eux, d'autres encore doivent composer avec leurs jeunes enfants, et enfin on stresse tous pour nos proches les plus fragiles.
Donc on rêvait de 2021 comme un nouveau printemps, la convalescence après des mesures difficiles pour se protéger tous, et on espérait au plus vite sortir, revoir nos amis et geeker dehors.
Hélas, au moment où j'enregistre, à savoir mardi 26 janvier 2021, des rumeurs persistantes parlent d'un 3ème confinement, des variants du virus SRAS de la Covid pourraient être résistants à la plupart des vaccins qui sont sur le marché, et on a appris mardi 19 que Mixart Myrys est fermé administrativement par la Mairie de Toulouse.
Si vous écoutez Radio <FMR>, depuis le 20 janvier, plusieurs émissions on fait des spéciales pour couvrir cette info. CPU le fait aussi parce que nous n'avons pas que des auditeurs très réguliers de <FMR>, et parce que Mixart Myrys est un lieu qui n'est pas anodin pour nous.
Mixart Myrys en tant qu'association existe depuis 1997, créée dans l'occupation illégale des anciens ateliers du chausseur Myrys, rue Adolphe Kholl dans le quartier République, rive gauche. On y a vu des expos, des concerts, des ateliers d'artistes.
En 2001, le squat artistique a emménagé 31 rue de Metz, dans l'ancien Grand Hôtel, un bâtiment qui venait d'être libéré par la Préfecture. Là aussi illégalement même si la gestion des lieux s'était structurée en association.
Déclarée en Préfecture. Ô ironie.
En 2005, l'Académie de Midi Pyrénées a tenté de récupérer les locaux squattés, sous prétexte de vétusté. Ces locaux ne seront jamais utilisés par l'Éducation Nationale, mais immédiatement revendus à un promoteur immobilier pour des boutiques de luxe. La rectrice de ladite Académie, Nicole Belloubet, devint par la suite Première adjointe au maire Pierre Cohen (PS) chargée de la culture, puis conseillère régionale, membre du Conseil Constitutionnel avant de devenir Ministre de la Justice sous la présidence Macron. Et elle a fort peu apprécié cette histoire du déménagement de Mixart Myrys en 2005, car filmée pas vraiment à son avantage par une équipe de l'émission Striptease dans un passionnant documentaire, tandis que le coordinateur de Mixart Myrys, Joël Lécussan, s'y montrait incroyablement diplomate et chaleureux même avec ses voisins pourtant opposants, démontrant la médiation artistique et la vie de quartier.
Bref, depuis 2005, et suite à un accord avec l'Agglomération de Toulouse, le collectif occupe légalement un ancien entrepôt au 12 rue Ferdinand Lasalle, mitoyen avec le Canal Latéral, près du Boulevard de Suisse dans le quartier Pont-Jumeaux.
La communauté de l’agglomération a d'abord loué le lieu, avant de l'acquérir y'a 4 ans. Cette stabilité juridique permis de structurer des événements, comme des représentations, des festivals, ou des off, par exemple du Fifigrot, le festival du Film Grolandais.
Néanmoins, les lieux ne sont pas aux normes pour recevoir du public, point sur lequel l'Agglomération et le collectif Mixart Myrys sont totalement d'accord. Il y a pourtant eu des devis de faits, des discussions et des promesse, mais cet arrêté de fermeture qui a lieu en plein couvre-feu, donc sans événements publics de Mixart depuis une dizaine de mois, a pris tout le monde par surprise…
La fermeture administrative de Mixart Myrys nous touche sur plusieurs plans :
L'émission CPU est, depuis avant sa conception, très attachée à Mixart Myrys, puisque moi-même, Enflammée, Infested Grunt, Solarus et Eugène Lawn, y avons enregistré ou produit en direct plusieurs émissions, notamment pour le festival THSF, dès 2010. [sont disponibles dans nos archives celle de 2011, de 2013, de 2014, etc…]. Et que certains d'entre nous avons participé à la création, la construction et l'animation de plusieurs événements.
Ensuite parce que l'espace Mixart Myrys est un lieu où se croisent une 60aine d'artistes en résidence et de créateurs réguliers, avec une dizaine d'associations en son sein. Notamment :
- La télévision associative TV Bruits qui a effectué quelques captations de nos émissions, et avec qui nous échangeons souvent en privé ;
- Le hackerspace Tetalab, chez qui notamment nous avons enregistré plus d'une dizaine d'émissions en public et en bonne humeur ;
- Le FAI et hébergeur Tetaneutral, chez qui notamment notre serveur web est installé ;
- Et outre le festival THSF qui normalement a lieu chaque année au moi de Mai, plusieurs événements nous y font bouger, comme le festival Clutch, les universités saisonnières du Tetalab… voire même simplement l'envie de passer un soir pour bidouiller, geeker, rire et se retrouver dans une répétition de fanfare assis dans un canapé.
D'autres villes ont ce genre de lieux tiers artistiques, qui participent à la vie de quartier, et sont fortement impliqués dans la politique culturelle municipale, départementale et régionale, sans que le politique ne régente ces lieux. Je pense notamment à La Friche La Belle de Mai à Marseille, qui est un lieu gigantesque, où l'on peut manger en famille dans ses restaurants, visiter les galeries d'art, ou aller au théâtre le soir.
Alors quel jeu joue la Mairie de Toulouse ? Ils ont acquis les lieux, via l'Agglomération Le Grand Toulouse. Ils font mine de découvrir que depuis 2006, le site de la rue Ferdinand Lassalle accueille du public, des événements qu'ils ont eux-même subventionné, aux côté de la DRAC, du Ministère de la Culture, de la Région et du Département.
C'est le calendrier de cette fermeture qui suscite les rumeurs : plusieurs quartiers, plusieurs bâtiments, et notamment des squats gérés par la Fondation Abbé Pierre, ou le DAL sont vidés depuis 6 mois, dans une optique de démolition pour reconstruction de programmes immobiliers, principalement du locatif pour de la défiscalisation.
On ne va pas vous le nier : l'agglomération toulousaine est sous tension sur le marché de l'immobilier. On manque de petites surfaces accessible aux étudiants, aux familles modestes et aux salaires moyens. Sauf qu'y répondre par des quartiers sans vie locale, avec des commerces qui n'arrivent pas à s'implémenter, sans offre culturelle… tout court… est-ce bien acceptable ? On a vu les échecs que furent les quartiers comme Empalot, Bagatelle, le Mirail,… et pourtant, dans les années 1970s, le Mirail était un quartier taillé pour les cadres CSP+ ! Yep, je sais, ça surprend, mais j'étais retombé sur des plaquettes publicitaires de l'époque… et j'ai l'impression d'y voir le même discours que pour les nouveaux écoquartiers
qui poussent en ville. À deux pas de Mixart Myrys, derrière La Poste du Boulevard de l'Embouchure, le quartier neuf n'a pas de vie publique, la plupart des vitrines étaient fermées avant le premier confinement. Ce n'est pas une réussite, hélas.
Dimanche 24 janvier, plus de 3 000 personnes ont manifesté leur soutien à Mixart Myrys dans un carnaval Monstration organisé en 48 heures. À l'heure où j'écris, la pétition change.org recueille 5 000 signatures. C'est pas mal pour garder un hangar industriel.
Alors, si vous plaît, monsieur le Maire, laissez-nous respirer l'Art Libre. De ce que nous avons été témoins dans notre émission qui tente d'initier le public aux bidouilleurs, aux makers de l'espace numérique, c'est un lieu où se croisent la création artistique, la conception électronique et les discours sur notre société. Oui, d'autres lieux existent, mais MixArt Myrys est le plus grand, depuis la perte de l'espace Artilect quartier Patte d'Oie. Mixart Myrys est certes indépendant, parfois remuant, souvent iconoclaste, mais il participe à la vie créative toulousaine d'une manière incontestable, sans être piloté par des institutions publiques. Et la variété, c'est beau, surtout qu'on ne peut penser à tout.
Laissez nous respirer l'Art Libre, laissez vivre Mixart Myrys, Monsieur le Maire, ça sera à votre honneur.
Texte : Da Scritch.
Photo : Géode construite sur le parking de Mixart Myrys en préparation du Festival THSF 2019. CC-By Da Scritch