Extrait de CPU release Ex0008 : L'English au travail.
Good morning to you, child of the preterit future.
Donc le sujet de l'émission de today est l'usage de l'English au travail. De son usage avec des gens qui parlent anglais couramment ; ou entre français de langue maternelle mais qui se donnent juste un genre, parce que après tout, nous travaillons dans la haute technologie, où les manuels sont in English et en Chinois, mais personne n'ose tenter de faire croire qu'il parle couramment Mandarin, sous peine d'être Cantonnais à la case rigolo qui se la pète de traviole
.
Il n'est de secret pour personne que la mother tongue de l'informatique est l'English. Donc l'usage de l'English est obligatory dans notre job, pour être fashion, pour être serious, pour être professional.
Le problème, c'est que parfois à trop utiliser de l'English dans le French, on arrive à l'Engrish, c'est à dire un très mauvais mix des deux qui démontre surtout une très mauvaise compréhension de l'English, à peu près du niveau de nos Présidents de la République. C'est dire.
Je ne citerai que deux exemples, les plus softs et les plus fréquents : mail
. Le mail
, c'est le courrier papier, celui délivré par La Poste qui aux États-Unis n'a pas gagné en popularité malgré le film « The Postman » ou en France depuis la scène d'ouverture des « Visiteurs ». Pro-tip : Dites toujours e-mail
, ou alors utilisez le québecois courriel
plutôt que l'officiel et recommandé mél
... où l'on risque plus de s’emmêler que d'envoyer un recommandé.
Pour ajouter l'insulte à l'injure. Oh pardon, je viens de faire une mauvaise traduction de l'intraduisible expression to add insult to injury
... Et donc, comble de l'ironie, il y a encore pire : la traduction de termes techniques de l'English vers un French sort of.
Really Approximativement. Ajoutez les métraductions en novlangue énarque que j'épingle tous les ans...
Car (et je ne parle pas de voiture) ces xyloglotteurs de la Commission générale de terminologie et de néologie ont encore trouvé un moyen de faire parler de notre glorieuse nation as usual en démotivant sa French-Tech.
Et le public est unanime, les internautes occasionnels sont autant consternés que les professionnels du secteur. Il faut dire que logicien architecte en arrière-guichet
donne vraiment un ton pédant et has-been à mon job, pour resumee, je ne mettrais jamais ce titre dans mon CV.
Ainsi, les haut-fonctionnaires cruciverbistes proposent bogue
pour un bug
, comme si les erreurs étaient des châtaines et non pas d'horribles insectes de nuit qui te foutent le cafard. Spam
est remplacé par arrosage
, comme si le souci n'était pas le harcèlement de chacun, mais l'ampleur du nombre de gens touchés. Pop-up
est confondu avec une fenêtre intruse
, ce qui est idiot car quand je sauve ce texte, je choisi le répertoire dans une pop-up d'enregistrement qui n'a rien intruse.
Il faut dire que le problème remonte aux débuts de l'informatique : logiciel
limite le terme software
à son explication de 1953, alors que désormais, il englobe tout média comme les films, la musique ou même notre émission qui est un software, par opposition au hardware (le matériel) pour le créer, le diffuser et le lire. Effectivement, logiciel
est une traduction un poil trop précise.
Franchement ; les termes imposés par le gouvernement montre la méconnaissance crasse et le pédantisme des ministères. Et je m'étonne qu'ils n'aient toujours pas osé traduire French Tech
. D'ailleurs, on se demande bien pourquoi.
En fait, le problème est que rares sont les personnes ayant la virtuosité de Boris Vian quand il traduit « le Cycle du Ā » de Van Vogt ou de Jean-Patrick Manchette pour le comics « Watchmen » ; évitant les contresens mais adaptant aux coutumes de la locale fr-FR
. Car oui, adapter c'est trahir. Même le terme computer
devenu ordinateur
en tort le sens vers un certain angle : Quand le philologue Jacques Perret est consulté par IBM France pour trouver une traduction, consigne lui a été donné d'éviter le terme calculatrice
, trop connoté au milieu de la recherche, pour approcher plutôt le monde de la comptabilité d'entreprise. Car oui, des fois, on traduit avec un autre sens intentionnellement, pour une bête raison commerciale.
Dans des entreprises, le taureau a été pris par les cornes dans le sens inverse : il y existe une tradition qui, tout comme le casual friday qui consiste à se pointer le vendredi sans costume chemise, mais avec la cravate sur le t-shirt, le english friday où tous les salariés et patrons ont une obligation morale de s'écrire, se parler et s'ignorer exclusivement in english.
Sous l'effet d'émulation, et comme certains ont meilleur accent que d'autres, il y a une élévation du level, et en même temps, obligation de chercher le vocabulaire que l'on se manque sous risque de se faire moquer durablement lors du break tea-time.
Child of the preterit future, je vais être honnête : je vais voir les films en salle de cinéma qu'en VOST uniquement par snobisme. Les gens qui vont voir les films en Anglais ont au moins la politesse de ne pas discuter en Français durant la projection du long métrage, voire de ne pas discuter du tout. En tout cas, ça élève le niveau, et pas que celui de ma compréhension orale ou de mon vocabulaire.
Alors ne commettons pas le snobisme inverse : celui de croire que ce quarteron de ronds-de-cuirs ministériels arriveront à maintenir la France en tête de l'innovation technologique par la force d'un vocabulaire spécifique que personne, même dans l'Hexagone, n'arrive à piger.
Car n'oublions pas que les langues elles aussi passent de mode et s'ankylosent. Le latin n'est plus une langue scientifique depuis le milieu du XIXème siècle. Quant au Français, s'il n'est plus la langue préférée des diplomates depuis 1950, ce n'est pas uniquement à cause du déclin de l'empire (colonial) Français, mais aussi parce que l'Anglais a commencé à avoir autant, voire même parfois plus de nuances, qualité ô combien indispensable dans toute communication inter-étatique. Et c'est ce qui fait que l'Anglais est peut-être mieux armée dans le domaine informatique, c'est sa plasticité, la facilité de concevoir des mots valises qui veulent dire quelque chose, et surtout l'absence d'un aréopage immortel de l'Académie Française pour en dicter les termes.
Child of the preterit future, je pense qu'il faut prendre les mots pour ce qu'ils sont : des véhicules à idées. Mais il y a aussi la poésie, le contexte et le fait d'être compris par l'audience.
Non, franchement, je serais ridicule si, par exemple, à la place du mot jingle
, je disais sonal
, non ?
Auteur : DaScritch
Le texte intégral de cette chronique est disponible sur le site de son auteur.
Illustration graphique : CC0 non-crédité via Pixabay.