Extrait de CPU release Ex0049 : Monter un fablab rural.
Bonjour à toi, Enfant du Futur Immédiat, toi qui cherche qui pourrait reconstruire le support de tes petites roues.
De nos jours, les fablabs sont vus comme un concept novateur,... je me gausse !
Le fablab, ce lieu où l'on met à disposition les outils de conceptions dans les mains de bricoleurs profanes, le fablab, donc, est un concept qui a toujours existé.
Avant les grandes villes, il y avait les petites villes. Revenons au temps où Paris s'appelait Lutèce et tenait sur l'Île de la Cité, alors que Toulouse allait de la rue du Taur à la place du Parlement (mais insister sur le fait que notre belle ville rose était vachement plus grande que la capitale du Nord serait peut-être du chauvinisme).
Au temps de nos ancêtres les Gaulois (désolé, mais cette rubrique n'a pas été ré-écrite sous le filtre de la pluralité culturelle)... Donc nos ancêtres, dans chaque village, avait son homme à tout faire, et surtout battre le fer.
On l'appelait le Maréchal-Ferrant.
Et à l'époque, il frappait le fer dont on faisait les glaives, l'acier dont on faisait les chaines, la fonte dont on faisait les marmites, l'airain dont on faisait le bouclier arverne, le bronze dont on faisait les sesterces, les bardes quand ils faisaient du tapage et les poissonniers quand la DLC du produit faisait tilter son sens olfactif de l'hygiène. Oui, ils étaient déjà des hommes à tout faire, notamment la police municipale. D'ailleurs, il se murmure qu'à Béziers, Robert Ménard veut réinstaller une forge/salle d'interrogatoire à côté du laboratoire de la police scientifique qui analyse les ADN des crottes canines.
Aucun rapport : ma vanne était gratuite.
De l'eau a coulé sous le Pont-Neuf, il y eu la Révolution Industrielle, et le regroupement des industries dans un autre village qu'on appelle Le Cac Quarante.
Reconnaissons-le, les petites villes qui avaient leurs petites usines ont dépérit, quand ces industries furent fermées et délocalisées à plus de 100 km. Faute d'emplois, les couples avec enfant déménagent, les écoles ferment, les commerces et services aussi. Restent pour les habitants qu'un lointain souvenir du marché couvert qui ne désemplissait pas, et parfois la Dépêche Du Midi livrée dans leur boîte aux lettres, le jour où le facteur dessert le canton. Oui parce que ni la téléphonie mobile ne passe, ni l'ADSL, et y'a plus personne pour savoir pourquoi les décodeurs TNT ne marchent plus. Quand au temps de rétablissement d'une coupure électrique, il est encore digne des années 1960s : parfois plusieurs jours...
Alors oui ! Les fablabs ruraux sont des paris de désenclavement, comme les municipalités qui paient l'aménagement d'un cabinet médical ou un miracle religieux pondu par les grenouilles de bénitier comme opération touristique.
Et rien que là, je viens d'envoyer tellement de clichés que notre invité doit avoir la main qui le démange de me foutre une torgnole, afin de me rappeler à la réalité des campagnes et que même maréchal-ferrant moderne, il a de la poigne.
Tout n'a pas disparu des villages :
Il reste des mécaniciens, des charpentiers, des électriciens et des rebouteux de Windows... Et ces gens-là ne voient pas forcément d'un bon œil une concurrence supplémentaire. Or, un village, c'est une communauté, un microcosme... Et beaucoup de susceptibilités à ménager.
Enfant du Futur Immédiat, créer un hackerspace ou un fablab est toujours un défi : celui de trouver les bras, le matériel, les locaux et le financement. Ce défi est encore plus ardu quand le porteur du projet vient de s'installer dans une communauté réduite. Mais si ce défi n'est pas tenté, jamais nous ne pourrons dire si la greffe prendra un jour.
Le texte complet est disponible sur le site de son auteur
Auteur : DaScritch
Photo : compte twitter du RuralLab, D.R.