Extrait de CPU release Ex0057 : Assistants personnels, l’Ère de Jarvis.
Bonjour à toi enfant du futur immédiat, toi qui découvre qu'il est toujours plus facile d'obtenir une réaction d'un ton ferme plutôt qu'avec un bête s'il-te-plaît.
Il fut une époque où le summum de la science-fiction était un ordinateur qui réponde comme une vraie intelligence artificielle avec une synthèse vocale parfaite, tel HAL 9000.
Non, pardon, avant de parler de lui, il y avait Goldorak, où le célèbre robot de combat lançait sans mot dire les fonctions prononcées de la voix de stentor du Prince d'Alcor. En fait, il hurlait littéralement les commandes, ce qui veut dire que soit l'isolation phonique des turboréacteurs au diesel laissaient à désirer, soit que la technologie alcorienne était particulièrement sourde.
Je disais particulièrement sourde
.
Puis il y eu la première vision d'une maison domotique avec le film « Electric Dreams » sorti en 1984, où un architecte achète un Mac pour son travail, et tous les accessoires qui permettent à l'ordinateur de contrôler tout équipement électrique du foyer. Oui, l'architecte était à l'époque la seule profession qui puisse s'offrir ce genre de technologie, à part les milliardaires (mais qui eux, ont déjà du personnel de maison) et les serruriers de nuits (mais qui eux ne déclarent pas tout au fisc).
Bien mal lui en a pris, car l'ordinateur atteint la conscience et tombe amoureux lui aussi de la belle voisine qui sait faire vibrer la corde sensible....
Je disais qu'elle est violoncelliste.
En fait, on oublie que la reconnaissance vocale est encore une fois une technologie assistive pour les personnes handicapées, qui a été bien vite employée pour le grand-public. Comme la télécommande, l'ascenseur, la synthèse vocale et les écouteurs intra-auriculaires.
Je disais le sonotone
.
Alors, nous n'allons pas parler du développement de ce type d'application, ça nous avons prévu de le faire dans une prochaine émission avec des développeurs. Non, nous allons voir comment en fait cette réponse qui se veut la plus naturelle possible aux mots de l'utilisateur donne un sentiment de puissance, ou carrément d'une présence réconfortante, comme c'est le cas pour les personnes âgées au Japon, ou dans le film « Her » de Spike Jonze.
Je disais que l'O.S. du smartphone est particulièrement sexy.
Mais d'un autre côté, ces technologies, qui restent coûteuses et dont les finalités ne sont pas toujours bien identifiées par leurs consommateurs, ces technologies ne créent-elles pas aussi une redéfinition du foyer et de celle de l'intime ? Notamment en liant finalement son chez-soi avec un service d'e-commerce…
Je disais que pour ton dentrifice, tu peux aller te brosser, va te l'acheter toi-même.
Quand tu finis une journée particulièrement assommante, personne n'a envie de rentrer dans son appartement s'il te boude. Et cette obséquiosité, cette volonté de toujours répondre aux désirs qui dépendent des services associés au constructeur derrière, ne crée-t-on pas à la fois une démonétisation de l'argent avec une facture mensuelle et une nouvelle servitude sur les livreurs associés, le genre à pédaler à fond la caisse à vélo et de griller un feu rouge, tout ça parce que tu as demandé à la charmante voix numérique une calzone et un coca ?
Enfant du Futur Immédiat, il n'est point de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Et la première des choses qu'il faut aussi apprendre à couper les micros afin de retrouver une solitude étrangement apaisante.
Pas la peine d'hurler, elle entend plus rien, sa curiosité est éteinte.
[Le texte complet est disponible sur le site de son auteur]
Auteur : DaScritch
Photo : A Toaster got the brains
par Juuso, photo de Hannu Makarainen, D.R.