Extrait de l'émission CPU release Ex0225 : Synthèse vocale, seconde partie.
On a reconnu d'entre mille sa voix désincarnée, robotique, impersonnelle. Et pourtant derrière, l'humain qui l'utilisait pour s'exprimer était immanquable et populaire.
Stephen Hawking est connu pour trois particularités :
- D'abord en tant que théoricien dans la cosmologie et ses avancées vers la théorie de la Grande Unification ;
- Ensuite, en tant qu'auteur d'ouvrages de vulgarisation sur la physique quantique, dont « Une brève histoire du temps » ;
- Et enfin pour sa voix numérique désincarnée produite par son fauteuil roulant.
Déjà fortement impacté par la maladie de Charcot, une maladie dégénérative qui lui fait perdre l'usage de ses muscles, Stephen Hawking contracte une pneumonie en 1985. Pour lui sauver sa vie, il subit une trachéotomie, mais cette opération commet un dégât irrémédiable : la perte de parole.
Ses travaux et sa renommée acquise par la vulgarisation ont attiré de nombreux industriels, heureux d'être sponsors pour pallier ses lourds handicaps. IBM lui a conçu sur mesure un dispositif de synthèse vocale dans un PC embarqué. Et ce dispositif a énormément évolué en 33 ans en fonction des technologies et des sponsors.
Intel a été un des récents contributeurs en ajoutant un moteur de prédiction linguistique évolutif, un modèle de langage entraîné sur les précédents écrits et mots du savant, et qui évoluait avec son usage. Ce système logiciel s'appelle ACAT, Assistive Context-Aware Toolkit, et est toujours actif et développé en open-source sur Github.
Il faut imaginer que depuis 1985, le fauteuil roulant de Stephen Hawking était devenu, selon les mots de son propre assistant, une machine de Frankenstein : entre le respirateur et les autres appareils médicaux, les batteries, les différents ordinateurs aussi bien pour sa synthèse vocale que pour les moments où il écrit ou consulte le web… Sa maintenance était assez complexe. Au point qu' une annonce d'emploi pour un poste d'assistant et technicien publiée en 2011 précisait bien :
Maintenance ofblack boxsystems with no instruction manual or technical support.
(Maintenance d'un système deboites noiressans manuel ni assistance technique)
Bonne chance !
T'imagines intervenir dessus aux moments les plus gênants dans l'emploi du temps ultra-chargé de l'astro-physicien ?
Produite par une de ces boîtes noires
embarquées sur son fauteuil roulant, la voix synthétique est devenue l'interprète de l'illustre scientifique, l'interprète seulement car elle avait une petite particularité…
Stephen Hawking avait l'habitude d'accueillir ses invités en s'excusant pour son accent. Car oui, bien sûr, IBM a conçu une synthèse vocale… avec l'accent américain. Alors qu'Hawking est britannique, qui plus est natif d'Oxford, la ville universitaire qui a donné son nom au dictionnaire anglais de référence, le Oxford English Dictionary. Oxford est aussi l'origine de l'accent britannique canonique de la Haute-Société de Sa Majesté, l'Oxford English, aussi dit le Received Pronunciation, aussi dit The King's English
, l'Anglais Royal, aussi dit le BBC English, celui que vous apprenez par les méthodes de langue publiées par le Beeb depuis 1943.
Stephen Hawking avait un humour très britannique ; de cet accent qui désormais le représentait, il en a rit à sa manière. Il faut dire qu'il était le genre d'homme à organiser une fête pour recevoir des voyageurs temporels, mais où personne ne s'est pointé. Oui, il a vraiment organisé une fête où il est resté tout seul une soirée dans une pièce.
[Un Tardis passe dans le fond]
Gag qu'il a repris pour son propre enterrement, car, selon ses volontés, il n'avait toujours pas prouvé que le voyage dans le temps n'existe pas. Si vous êtes donc né entre son enterrement en 2018 et 2038, vous pouvez participer à un tirage au sort pour avoir une place à la cérémonie de son enterrement en 2018.
Autre blague dont était friand le scientifique : il a interprété avec sa synthèse vocale une chanson, « The galaxy song », pour un spectacle des Monty Python.
Stephen Hawking nous a quittés pour d'autres univers en 2018, et il chante sûrement encore « The galaxy song ».
Textes : Da Scritch
Illustration sonore : Tardis materializing, non crédité, D.R.
Photo : Stephen Hawking, crédits incertains, source