Extrait de CPU release Ex0001 : Monétique.
Bonjour à toi, Enfant du Futur Immédiat ! Toi qui nous prête attention.
Ben oui, parce que dès qu'on parle de sous, de monnaie, de pognon et de transactions bancaires, à partir d'un certain chiffre, tout le monde écoute.
Et quand on parle d'acheter, d'être passé du troc aux pièces, on oublie quelle révolution se fut pour l'Humanité.
Non, je ne parle pas du quotidien que dirigea Jean Jaurès, et qui luttait contre les gros comptes en banque, mais de tous les papas du monde qui n'avaient plus à chercher une enclume et un âne, quand madame la future maman a une brusque et irrépressible envie de poulet aux fraises à 2 h du matin.
Le fait d'avoir une unité de mesure commune entre tous les biens, produits, services et bien évidemment impôts a simplifié grandement les échanges, le commerce et la reconnaissance de dette. On pouvait enfin estimer à partir de combien le mauvais payeur allait vraiment perdre un bras.
Puis arriva la lettre de change, l'ancêtre du chèque, qui permit de faire voyager de fortes sommes entre lointaines places de marché, sans avoir à se trimbaler plus d'or qu'un groupe de rap West Coast. Finis les risques d'attaques à main armée de la part des rappeurs de la côte Est. Yo !
Ensuite, en dématérialisant complètement le papier pour le télégraphe, les banquiers utilisèrent la possibilité de crypter un message, ce qui en fut le premier usage non-militaire. C'est ainsi que la machine Enigma fut éprouvée par les banques Allemandes dans les années 1920s, avant qu'Hitler ne la remilitarisa accidentellement suite à un pique-nique sur la Rühr. Le cryptage permet de s'assurer que seul le destinataire lise l'ordre de virement, que seul l'émetteur autorisé puisse l'écrire, et que le montant ne soit pas modifié ou perturbé.
La révolution suivante arriva avec la carte de paiement. Dans une publicité de la Barclay's Bank de 1968, une nymphette va faire ses courses à Londres, seulement habillée de son bikini et de sa Barclayscard <3
Comme une bonne partie de l'émission va parler de carte bancaire, tout à l'heure, je te propose un exercice. Je te recommande de te munir d'un papier, d'un crayon et d'une carte de paiement…
La notion de banque a elle-même évolué. La Banque de France n'est plus une institution privée tenue par une centaine de familles depuis belle lurette, et depuis 2001 il n'est plus possible d'ouvrir son compte au Trésor Public. Oui, avoir une carte bleue avec le logo du Trésor Public, était tout a fait faisable, un très grand moment quand un taxi t'annonce une facture éhontée avant de voir le logo à la Marianne…
C'est ce que Philippe Noiret appelait avoir la Carte
.
Revenons au métier de banquier. Enfant du futur immédiat, sais-tu pourquoi les agences bancaires construisent de monumentales salles des coffres ? À grands frais, car il faut excaver des mètres cubes de terre, verser des mètres cubes de béton et d'acier.
Alors qu'au final, ces banques n'y stockent que des sommes en liquide tout à fait dérisoires, et que la monnaie dématérialisée est bien plus pratique de nos jours…
Ben la réponse, elle est uniquement dans la confiance que le client place dans sa banque. La salle des coffres de ton agence de quartier n'est qu'un effet de présentation, un peu comme le pâtissier qui est visible depuis la boutique quand il fait un énorme gâteau, ou le maître d'hôtel qui aiguise son grand couteau avant de te préparer une chiffonnade de jambon : Tu achètes une prestation que tu n'utiliseras jamais, mais qui te donne confiance dans le conseiller bancaire en face de toi. Car oui, il n'y a plus beaucoup de vrais banquiers dans les agences, mais des commerciaux multicartes capables de te vendre des assurances, des abonnements presse, des forfait 4G, des bouquets de fleurs et bien évidemment des calendriers en fin d'année.
D'où la question de la confiance : Les banques ont fusionné avec les assurances, se sont diversifiées entre l'immobilier, la presse, la téléphonie mobile...
C'est idiot, mais mon réflexe de programmeur expérimenté applique le premier principe SOLID : celui d'une Responsabilité unique. Si tu sais faire une chose, fais le très très bien, ne te disperse jamais.
Moi par exemple, je ne passe jamais le balai, mais je sais très bien ouvrir les canettes de bières.
Ce que je reprocherais en tant que consommateur, c'est que les principes de base de la sécurité informatique ne sont plus totalement respectées par les banques. Rien que le système de paiement sans contact frise le ridicule en terme de sécurité pour ton argent, et pas que de poche. Et comme certaines banques insistent trop lourdement pour une fonction qu'elles maîtrisent mal… elles pourraient en payer la dette technique au prix fort.
Et quand une banque perd la confiance de ses clients, ceux-ci se ruent aux guichets pour en vider leurs comptes. Cela s'appelle un bank-run
et annonce quasi-inévitablement la mort d'un établissement de crédit, faute de… (crédit).
Rasé de près, le bonhomme Cetelem™ !
À tel point que les modes de paiement para-bancaires reviennent en force, comme les monnaies de proximité
, les programmes de fidélité comme les milles des compagnies aériennes, et le Bitcoin, qui mérite une émission à lui tout seul, donc nous n'en parlerons pas aujourd'hui…
Mais il est alors quasi impossible d'emprunter. Sauf si on considère les kickstarter comme étant une nouvelle manière de se financer à crédit.
La monétique est devenue le moyen le plus courant en France, au point que nous sommes moins habitués à payer de fortes sommes en liquide, contrairement aux États-Unis, au Royaume-Uni, à l'Allemagne et d'autres ; un ami installé à Tokyo ne se sentait pas tranquille quand il a payé une année de loyer en avance à son bailleur en liquide, alors que c'est une pratique très courante.
En France, le paiement en espèces sonnantes et trébuchantes sur des montants de 3 chiffres et plus est devenu en l'espèce l'exception. Et d'ailleurs, sais-tu que les paiements en liquide sont plafonnées en France, désormais à 1 000 € maximum. Et pourquoi ? Pour lutter contre le terrorisme.
Or, il suffit de voir suffisamment de films d'actions pour savoir que les terroristes qui achètent des missiles nucléaires avec des mallettes bourrées de billets ne s'occupent pas d'un petit détail juridique… ou même de remplir un constat d'accident à l'amiable quand ils tamponnent une voiture sur l'autoroute.
Enfant du futur immédiat, il faut quand même reconnaître que la carte bancaire est une commodité monumentale, qui ne fait pas ses 50 ans d'âge, et qui s'est démultiplié par téléphone, par courrier, par minitel, par internet, et désormais par smartphone. Pas mal pour une carte de plastique grande comme une carte à jouer.
Le texte intégral de cette chronique est disponible sur le site de son auteur
Écrit par DaScritch
Illustration graphique issue de DigitalTrends.com (non créditée)