Extrait de CPU release Ex0003 : Les élus politiques face aux geeks.
Bonjour à toi, enfant du futur immédiat, toi qui est un netizen sans le savoir.
L'Homme Politique et Internet, ça fait deux. Aussi peu miscibles que ces deux-là, il doit y avoir l'huile et le vinaigre. Tu peux arriver à quelque chose en secouant très fort, mais tôt ou tard, faudra passer à la mayonnaise pour que le mélange entre les deux liquides tienne.
Oui, parce que, étonnement, les milieux militants, qu'ils soient les moins démocratiques (l'extrême-droite est présent sur internet depuis le milieu des années 1990) ou des petits partis les moins représentés parmi nos élus (comme le Parti Pirate ou Les Abstentionnistes) ont une excellente maîtrise des outils offerts par internet. Au contraire des hommes et des femmes élus par la majorité de leurs concitoyens et qui sont parfois en place depuis avant la disparition du minitel.
Chaque fois qu'un élu politique parle d'internet, c'est pour lui faire porter les pires maux de l'Humanité allant du terrorisme breton salafiste aux destructions d'emplois chez les producteurs d'artistes musicaux, en passant par le réchauffement climatique causé par la prolifération de datacenters et les malformations de fœtus dues aux ondes électromagnétiques.
Il faut dire qu'une invention qui vient des États-Unis et qui, tels le rock'n'roll, le Coca-Cola et les westerns, pollue le mode de vie traditionnel du bon français moyen, ben de Gauche à Droite, ça rue dans l'Hémicycle !
« Quoi ?? On veut ridiculiser l'électeur moyen et la ménagère de moins de… de plus de 50 ans qui va acheter sa baguette un béret sur le bec à Gauloises ? il faut immédiatement stigmatiser ça ! » Comme en 1949 contre les comics à Mickeys avec la Loi sur les publications jeunesse et dans les années 1990s contre les Jeux De Rôles en réglementant le lancer de boule de feu dans les couloirs étroits des donjons de dragons.
C'est vrai, ces amerloques sont tellement des sauvages que leurs sites webs se font avec le logiciel Apache !
Cet état d'esprit est à tel point ancré chez nos élus qu'un Président de la République haut-perché sur ses talonnettes parla un jour de civiliser
ce nouveau continent.
Face à sa vision raciste et colonialiste de la Terra Incognita qu'est Internet, les animateurs de cette émission ont exceptionnellement un regard biaisé et présente présentement cette édition du programme avec un os dans le nez.
Heureusement, vous n'avez pas la vidéo.
Comme l'a dit son successeur et actuel Président de la République : « le numérique est d'abord un risque mais peut aussi être une chance » (Conférence de presse du 7/9/2015).
Oui, il est vrai qu'à chaque fois qu'un élu politique prend la parole à propos d'internet, on peut être sûrs qu'il va promulguer une nouvelle loi.
Sus aux pédophiles ! Sus aux vendeurs de livres ! Sus aux loueurs d'apparts ! Sus la prostitution !
Heureusement, dans les chambres Législatives, les Ministères et à l'Europe, on n'y concocte pas que les lois d'interdiction, d'encadrement ou de pyrolyse de sorcières. Depuis le perchoir de l'Assemblée Nationale, on y pond aussi des lois qui tentent d'inciter à l'innovation, d'autres à attirer les startups, d'autres encore à aider nos Glorieuses Nationales SSII à l'export, et enfin d'autres qui tente de réduire les zones d'ombres où internet ne passe pas, ou alors avec un vieux modem 56k US Robotics.
Blague à part, on est dans le dilemme éternel de la fabrique des lois : une législation doit-elle anticiper sur l'innovation au risque de la brider, ou se retrouver dépassée par l'intrépide technologie fonceuse et devoir en contenir les débordements ? Comme l'a dit l'économiste réputé et premier ministre Raymond Barre « il faut mettre d'urgence un frein à l'immobilisme »
À partir du moment où la majorité des citoyens utilisent régulièrement Internet, ou que des entreprises jouent via leurs bases de données avec les droits élémentaires des netizens, oui, il n'est plus possible de séparer internet des choses de la ville.
choses de la ville
, c'est la traduction littérale de politique
, bande de pécores !
Sauf que le principal problème est une erreur de traitement : pourquoi faire une loi qui s'attaque spécifiquement au symptôme de la haine raciale dans les forums sur internet, alors qu'il existe déjà tout un arsenal de lois pour réprimer pénalement le racisme.
Enfant du futur immédiat, je pense que tu es d'accord avec moi et l'Académie de Médecine si je t'affirme que ce n'est pas la laideur de la lèpre qui tue, mais la lèpre elle-même. Donc ce n'est pas en leur mettant du fond de teint qu'on soigne les lépreux !
Et pourtant… nous n'arrêtons pas d'entendre parler de lois spécifiques contre la diffamation sur internet, la remise en cause d'élus dans les médias numériques, ou encore la vente d'armes de guerre sur le Bon Coin.
À en croire nos élus qui siègent à l'Assemblée Nationale, il serait donc moins dangereux de refourguer des AK-47 dans une brocante de quartier sensible contre du liquide, plutôt que via Silkroad, où l'on ne peut y accéder que via trois proxys dans Tor et les paiements ne se font qu'en bitcoins, inutile de dire que c'est largement plus hasardeux. Surtout la livraison par la Poste.
Le problème devient pire par ses effets de bord. Par exemple, pour lutter contre le terrorisme, et pour mettre à l'écoute l'ensemble des Français, le procureur Molins est parti en guerre contre le chiffrement des données. Qu'il soit dans votre smartphone pour protéger vos mots de passe ou… pour tout paiement bancaire qui transite par internet. Bref, en voulant lutter contre une menace terroriste qui n'est pas négligeable mais bien moins meurtrière que l'industrie du tabac ou les violences conjugales, des excités de l'Esprit des Lois veulent tout simplement interdire le commerce en ligne ! On aurait voulu faire passer la France dans une économie du Tiers-Monde qu'on ne ferait pas mieux. À mon humble avis, c'est tout à fait le genre de privation de liberté qui font plaisir aux terroristes, tout en ne résolvant pas le problème du nombre de morts par cancer ou par tabassage du concubin.
Il suffit de faire une analogie, que je pique à Benjamin Bayart : le code législatif est comme un programme informatique, dont le code source est écrit en Français, et qui décrit un ensemble de règles élémentaires. La meilleure preuve étant que le Code Civil est disponible sur GitHub.
Aux États-Unis, Larry Lessig, un ex-patron de la Mozilla Foundation juriste du mouvement open-source et John McAfee, le tycoon de l'antivirus se sont lancés dans la course à la Maison Blanche. Après tout, si un acteur de westerns a réussi à être président dans les années 1980s, pourquoi pas les développeur logiciels dans les années 2020s....
Enfant du futur immédiat, il ne faut pas prendre à la légère les lois et leur débugage : Si ce programme est bien écrit, il fonctionne sans heurts, sinon il plante de partout et peut mettre la société en échec.
Le texte intégral de cette chronique est disponible sur le site de son auteur.
Auteur : DaScritch