Extrait de l'émission CPU release Ex0148 : Crie si tu sais… IV.
Je suis Solarus et je vais vous raconter l'histoire du stagiaire de troisième.
C'est ma faute, j'ai jamais su dire non. J'ai voulu dépanner un ami. La voisine d'un ami. Et donc j'ai eu son fils comme stagiaire en troisième.
Il est arrivé un matin, je l'attendais à l'entrée du bureau, et nous sommes monté. Je lui ai fait visiter les locaux, fait rencontrer l'équipe mais…
Il parlait de travailler avec des serveurs, mais j'ai rarement vu aussi peu d'intérêt dans un regard.
Non, même pas une lueur.
Je comptais ça sur le stress, sur sa première rencontre avec le monde professionnel. Après tout, il était sûrement intimidé de découvrir un univers qui n'avait rien à voir avec son collège. Et puis, entre nous, les serveurs, c'est génial !
Alors on s'est mis ensemble sur mon ordinateur. J'ai fait attention à le mettre à la bonne hauteur de regard sur mon écran triple, qu'il soit aussi à l'aise pour regarder longtemps que pour prendre des notes sur son cahier Seyès.
Je l'ai présenté en visio à toute l'équipe, et du coup, il a fait un sourire. Poli, le sourire, sans plus.
J'e lui ai montré le dashboard de supervision de nos VM, les shells en onglets de chaque machine, la téléphonie, Cisco Meraki, les outils d'administrations de la flotte informatique… Et même le journal du serveur d'impression pour lui montrer que quelqu'un qui imprime le journal l'Équipe pendant les heures bureaux pourrait facilement avoir des soucis, même s'il est le Directeur Financier.
Mais franchement, s'il a étouffé un rire, ben… son expression s'est vite éteinte.
Je sais pas… tu montres la puissance d'un déploiement sous Ansible quand tu gères une flotille de VM, en général t'as un accueil enthousiaste de tes collègues. Quand tu montres tout l'écosystème AWS qui existe à côté des EC2, RDS et S3, comme les RedShift ou les SageMaker, en général, tu décoiffes tout un service…
Mais là, non rien. Le regard même pas perdu ou absent… non… le regard simplement désintéressé. Le gamin qui n'a envie de rien. Je sentais que les 5 jours seraient être longs… Très très longs pour lui.
J'en était à me dire intérieurement qu'elle était belle , cette génération qui devait payer nos retraites et relancer la marque Tecktonik… Mais ces remarques, je les gardaient pour moi : si je le cassais dès son âge, il aurait été capable de finir commercial ou chef de projet.
Alors finalement, et comme j'avais une réu téléphonique et qu'il s'emmerdait plus que tout, j'ai demandé au garçon de me ramener un café de la machine à Nespresso. Franchement, un stage photocopie/café, c'est pas vraiment ce que je lui souhaitais, c'est même pas sympa du tout, mais bon, fallait bien qu'il s'occupe.
Mais là, l'ado s'est redressé, y est allé et… à demandé à ma collègue en face si elle voulait un café ou un thé. Il est revenu tout guilleret, avec les tasses posées sur un plateau, à faire le service dans l'open-space.
Oui, il ne voulait pas s'occuper de serveurs, il aimerait être serveur. Il a une obsession pour les verres à bourgogne et ceux à cognac, il lit Jacqueline Queneau sur la place de chaque couvert sur une table à la Française, il rêve des réceptions de l'Ambassadeur, souhaite rencontrer Tom Cruise pour lui faire dédicacer l'affiche du film « Cocktail ».
Et surtout pour draguer les filles.
D'un coup, il me parle de son obsession sur la logistique de l'Oktoberfest et il est persuadé que les métiers de bouche seront toujours très demandés… mais que ses parents n'ont pas envie qu'il bosse dans un bistrot, alors qu'ils préféreraient tant qu'il fasse informatique.
J'arrive pas à croire qu'il y aie des gens qui trouvent que le métier de serveur soit si génial.
Voix : Solarus.
Texte : Da Scritch.
Photo : CC-0 via pxhere