Extrait de l'émission CPU release Ex0201 : lost + found (200ème encore).
Je vais maintenant vous parler d'un plantage dans un réseau social.
Et pas n'importe quel réseau social, un qu'on a bien apprécié pendant 15 années, je parle évidemment de Twitter.
Depuis sa prise de contrôle par Elon Musk, supervilain dont on a déjà parlé dans cette émission, et le fond d'investissements de l'Arabie Saoudite, dont le prince aime démembrer ses opposants, ben Twitter a vraiment perdu les points les plus positifs. De plus, le licenciement de plus de la moitié de ses équipes de devs, puis encore de la moitié, l'importation d'une culture toxique de crunch et enfin Elon Musk qui se vante de supprimer des serveurs importants au hasard, ben Twitter est de plus en plus sujet à des chaos, des pannes, plein de soucis, à tel point qu'on moment où nous enregistrons [le 27 Janvier 2023], on n'est même pas sûr que Twitter existe encore au moment de la diffusion de cette émission. Inutile de vous dire que la lecture du site twitterisgoinggreat.com
nous met chaque jour dans l'embarras, mais, eh, Musk se l'est acheté et il en fait ce qu'il veut !
Quelle tristesse. Pour les contacts qu'on s'y est fait, pour ces passionnés d'OSINT qui fact-checkent les guerres, pour le Printemps Arabe, ou ces moments surprenants comme quand en 2017, Edward Snowden commentait en français la primaire du Parti socialiste. Bizarrement, en 2023, il s'est abstenu. Et d'un autre côté aussi Twitter a eu son côté obscur : des agressions, flamewars, harcèlements groupés. Le propre de tout réseau social, finalement, faut le reconnaitre.
On y a passé 15 années, ben il faudra s'y faire : avec une modération disparue, des bugs de plus en plus handicapants et Elon Musk qui y casse encore plus de choses, Twitter pourrait disparaitre dans un KO technique très violent.
Alors je veux me souvenir de Twitter, pour les devs, les équipes qui y ont travaillé, leurs code qu'ils nous ont laissé, du framework CSS Bootstrap, de conférences passionnantes sur la dataviz ou la gestion big data désynchronisé, des retex sur la performance ou les tentatives de piratage, et toutes les applis qui l'enrichissaient via une API très fournie.
Et là, maintenant, je vais vous parler d'un plantage qui a eu lieu avant la prise de contrôle par Elon Musk.
Mais attention : un plantage gentil, en fait, pas vraiment un plantage
mais plutôt un glitch, un comportement non-prévu, visiblement erroné, mais qui n'impacte que les interfaces utilisateurs tout en permettant le fonctionnement normal du service. Ce fonctionnement quasi normal mais visiblement buggé, qui change des interactions, et fait ouvrir une réalité parallèle.
Et ce problème date de bien avant le règne plus que chaotique d'Elon Musk sur Twitter, puisque j'ai rencontré cette légende en mars 2020. Je rappelle qu'à l'époque, on se terrait derrière nos portes closes, on était terrorisés par un virus respiratoire qu'on pouvait attraper en déballant un smartphone neuf, tous en panique de devoir télétravailler, donc d'être productif de chez soi. Et le glitch en question est un compte avec 0 caractère. Plus exactement le nickname, l'identifiant texte unique d'utilisateur, est vide, littéralement vide. On ne peut l'appeler que @
.
Un compte qu'il n'était possible de trouver que si une personne qu'on followait retwittait.
Sinon, aucune chance : le lien ne marche pas et il est impossible à retrouver par une recherche. Peut-être est-il trouvable avec son index numérique mais encore, il faudrait bidouiller avec une API de Twitter, qui sont désormais fermées.
Le compte en question a été créé en 2009, avait 16 000 abonnés quand je l'ai découvert. Il est très probable qu'il avait un tout autre nom, que c'était un compte tout à fait standard. C'est juste qu'un jour, il a réussi à changer un paramètre pour avoir un nom de compte vide.
Alors comment le créateur de ce compte s'y est pris ? Il a sûrement exploité le fait qu'il y a de multiples points d'interventions et d'interactions avec Twitter. Maintenir une API n'est pas une mission aisée quand on a de multiples points d'entrée, et une ré-utilisation de code rapporté.
Et donc, il est très probable que l'individu glitcheur a trouvé un point d'accès où les contrôles de validation avant enregistrement n'étaient pas exactement ceux attendus. Et donc, cet utilisateur futé a réussi à faire valider que son compte aie un nickname, un pseudo à longueur nulle et à le faire enregistrer par Twitter.
Si ses tweets pouvaient s'afficher, s'ils apparaissaient dans les flux, ils étaient impossibles à retrouver depuis leur URL. En fait, le seul moyen de s'abonner au compte @
était d'avoir quelqu'un qui le suivait déjà, qui le retwitte, et là, on peut cliquer sur le profil pour le suivre. Et encore, pas dans tous les cas de figure.
Alors récemment un audilecteur de CPU a retrouvé un tweet à moi de mars 2020 et m'a demandé si ce compte existait toujours.
Et ben là est la beauté de ce glitch : ce compte est très difficile à retrouver, et donc d'en connaitre le destin. Probablement qu'il a dû rechanger de nickname et a définitivement perdu son statut unique : celui d'avoir un nom à dimension nulle.
Ben oui, des fois, y'a des glitches qui sont beaux, non-destructeurs et quasi-poétiques.
Texte : Da Scritch
Illustration : Arobase, illustration non créditée trouvée sur la page « La historia del Arroba
(@) » sur le blog Tokioanime-extreme