Extrait de l'émission CPU release Ex0147 : Codecs du son.
Après, il y a aussi la question de choix d'algo d'encodages. On a parlé du MPEG-1 Layer II et du MPEG-1 Layer III. Sachez qu'ils ont été conçus à la même époque et que l'organisme de standardisation a fait un concours de beauté entre les deux.
Les codec audios plus récents sont forcément plus performants, mais ils ne sont pas supportés partout.
Il y a aussi les aberrations à l'encodage, quand le fichier produit a des interprétations litigieuses. Vous allez rire… ou non, mais cela est arrivé à Xerox pour sa gamme de scanners industriels WorkCentre Line en 2013. Ces scanners avalent des piles de centaines de pages et exportent directement du fichier JBIG2, un format JPEG très spécifique conçu pour les documents imprimés scannés. L'astuce de cet algorithme était de décrire chaque glyphe, lettre ou chiffre une fois pour toutes, et de dire où ils sont positionnés dans la page. Cet algo était considéré comme suffisamment fiable pour être utilisé pour l'archivage professionnel probant. Probant
veut dire juridiquement de confiance
.
Sauf que, un ingénieur, David Kriesel s'est rendu compte par hasard que cet algo confondait les 6
et les 8
d'une nouvelle police de caractère, Calibri. Une police de caractère distribuée avec Windows Vista et Microsoft Office et enthousiastement utilisée.
Plantage !
Pas génial pour archiver les factures. Vous enregistrez en toute confiance, et devant le tribunal pour un litige commercial plusieurs années après, vous produisez les scans de vos factures… et là, on se rend compte que l'addition est fausse. Évidemment, l'erreur fut découvert un peu trop tard : les scanners impactés étaient vendus par centaines de milliers car extrêmement pratiques pour les entreprises et les administrations. La réponse de Xerox fut de changer un paramètre de son encodeur JBIG2… mais rien ne dit que le problème ne se repose pas avec une autre police de caractère ou une autre taille. Et David Kriesel l'a démontré lors d'un talk au CCC.
Et je n'oublie pas les aberrations au décodage qui peuvent arriver, par exemple, si le fichier a été corrompu pendant le transport. En vidéo, cela donne parfois des écrans verts, ou des déformations d'images, en son , ces glitches
donne des C゙̞͙̺͆͏゙̛͔̦̝͙̠̺̮͂͂᷇̓̐͛᷀ͧ͢H͓᷄ͩͨ̏̐ḽ̛̮́́ͣ߳͛͆᷆̍̓̃ͦ̒̚͠r̢͎̫̬͎̙҇̊ͣ͂̐ͬI̜͈͓͇̝̥͍͙ͪ̀ͥͩ̍́̐̄ͪ᷆͂ͤ̉͐̕̕p̷゚͓̽̅͆҉͇ͨȘ̤̻̮ͩ̂̐̀͐҄͝͞
.
Parfois, c'est dans le comportement même de l'algo : si vous prenez un son très saturé, dont la forme d'onde est quasi carrée à l'oscilloscope, le mp3 va l'encoder, mais au décodage, il va imaginer le son qu'il suppose écrasé, et donc au lieu d'un signal carré, on va avoir des bosses qui vont surgir au-dessus du signal.
Nous avons pris notre générique fétiche, encodé en mp3 au débit habituel pour un podcast. Avec le résultat décodé, j'ai inversé le signal de droite, ajouté au signal de gauche. C'est un traitement assez simple qui était utilisé dans les chaines Hi-Fi des années 1990s sous le nom mode karaoké
, car en général, l'ingénieur du son va placer la voix d'un chanteur au centre, et celle des instruments sont excentrées. Vous entendrez les effets stéréos mais surtout les aberrations dues au codec mp3.
Des études récentes tentent d'analyser si la perception d'une musique, et donc une humeur, peut changer en fonction du codec audio utilisé.
Mouais, je suis mi fugue, mi clavecin...
J'aimerais terminer sur une légende traînant souvent qui veut que le réglage mp3 à 320 kbits/s
en débit de sortie soit du lossless. C'est faux, archi-faux. Vous risquez plus d'ajouter des artefacts et des faux sons qu'autre chose. Ainsi dans sa documentation sur l'encodage mp3, l'équipe du logiciel ffmpeg préconise de rester entre 150 kbits/s et 260 kbits/s pour avoir la meilleure qualité possible avec ce format de compression.
Le titre est un hommage à l'émission télé homonyme écrite par Jill-Jênn Vie et Michel Blockele sur Nolife.
Texte : Da Scritch
Photo : Axe wood tree CC besnopile via Pixabay, détail