Extrait de l'émission CPU release Ex0161 : Légendes confidentielles du minitel, troisième partie.
Mais puisque nous abordons le dernier chapitre de ces légendes du Minitel, je vais enfin aborder l'application qui était originellement pensée pour le minitel, à savoir de mallette de télécommande des missiles nucléaires.
Ah ! Enfin !
Lors de la passation de pouvoir entre présidents, il y a ce moment sacré dans le bureau de la Présidence, où aucune caméra n'est admise, ni même les conseillers, et où pendant une longue demi-heure, le sortant remet les attributs du Pouvoir au Nouvel Élu. En mai 2012, Nicolas Sarkozy a cédé les rênes du pouvoir à François Hollande. Et malgré l'opposition de notre deep-state souverain devant cette invasion néerlandaise du palais, le président sortant Sarkozy a été obligé de lui remettre la mallette nucléaire.
Que je peux révéler maintenant qu'il s'agissait d'un minitel miniaturisé pour tenir dans un attaché-case, avec un écran à cristaux liquides et une batterie, un Minitel 5 de chez Matra. Le modèle antérieur à tube avait différents adaptateurs électriques pour s'accommoder du 380 V local en fonction des voyages présidentiels.
Ce Minitel 5 était une véritable petite merveille, prévue pour tenir dans une mallette banalisée, avec son téléphone satellite préprogrammée.
Le fonctionnement était prévu dans la simplicité afin de pouvoir dans le cas d'une décision à prendre dans l'urgence, de réduire le temps d'action. Le porteur de mallette ouvrait le terminal nucléaire devant le président, lequel aurait dû alors composer le numéro de fax de la conciergerie du 55 de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, le 01 42 92 81 01.
Au bruit de modem, l'élu aurait dû appuyer sur la touche Connexion/Fin, et enfin Envoi pour déchaîner le feu nucléaire.
Malheureusement donc, en 2012, Nicolas Sarkozy a dû reconnaître à François Hollande que Matra n'était plus en mesure de fournir les pièces détachées pour cet équipement militaire. Et comme l'achat de l'Airbus présidentiel et son aménagement intérieur avec son four à pizza avait fortement grévé le budget d'équipement de l'Élysée, le président sortant avait déjà réfléchi à une solution. Grandement prévoyant, Nicolas Sarkozy avait passé un Partenariat Public Privé pour recevoir un terminal IBM Lotus Notes pour le futur des prochaines guerres nucléaires à venir.
Je peux vous certifier aujourd'hui que ce système est parfaitement fonctionnel et dissuasif : personne ne se souvient de la commande pour ouvrir un ticket et valider la tâche hiérarchiquement. Heureusement, nous avons moins le besoin pressant de pouvoir déchaîner le feu nucléaire français que dans les années 1970s.
Mais il est intéressant de voir que le minitel fut lancé publiquement au début du mandat d'un président socialiste, et qu'il se termina au début du mandat d'un autre président socialiste.
Un hasard.
Une concordance des temps. Et pourtant, Orange, ex-France Télécom, ex-DGT, ex-PTT, a tout tenté pour ralentir la progression d'internet afin de relancer le minitel.
En 2005, malgré les nouveaux modèles comme le minitel photo couleurs, de celui qui permettait de transmettre du son, et de celui à affichage en 3D, il devenait clair pour et le consortium d'industriels nationaux que le Minitel n'arrivait plus à intéresser les Français et qu'il était condamné à plus ou moins long terme.
Les temps étaient venus, encore une invention Française bien brillante qu'il fallait remiser.
Le 30 Juin 2012, donc, les réseaux Transpac et Télétel sont fermés, les PAVI ne répondent plus, et les boutiques d'Orange ne proposent plus de minitel. D'ailleurs, la location de ceux-ci ne sont alors plus facturés aux usagers du téléphone, qui peuvent les rapporter en agence, où ils ont droit à une réduction de 5 € sur l'achat d'un ordinateur Wanadoo. Les minitels étant propriété de l'État, il revenait à un groupe de travail constitué d'énarques de décider de mettre en place une chaîne logistique afin de récupérer les appareils obsolètes, donc devenus déchets électroniques afin de les recycler, voire de les valoriser.
Vous ne pouvez pas savoir combien de kilomètres de bitumes pour route à énergie solaire on arrive à faire avec un tube cathodique de minitel…
Ah bon, combien ?
Exactement 10 cm².
Et comme les deux expériences de routes solaires ont été abandonnées, il fallait arriver à caser tout ce volume de terminaux dans un stockage terminal. C'est justement dans la région de votre radio, en proche banlieue de Toulouse, qu'une entreprise emporta le gros morceau, Envie2E, du côté de Portet-sur-Garonne. Cette entreprise reçoit des minitels de toute la France, et les démonte dans les règle de l'art, afin de revendre les résistances et condensateurs, si jamais une entreprise pouvait en avoir besoin. Ce qui n'arrive quasiment jamais hélas, les fabricants chinois d'électronique nous ignorent superbement.
Un des problèmes inédits est que cette entreprise se fait régulièrement visiter de nuit, par des gens parfois munis d'un groupe électrogène, afin de tester des minitels encore fonctionnels avant de les emporter avec eux. Ce qui veut dire que beaucoup de minitels qu'on trouve sur LeBonCoin (ou sur l'atlantiste eBay), mis en vente entre 10 et 20 €, sont en fait dérobés à l'État, hors garantie et d'une récupération très douteuse. Il est dit qu'un célèbre marchand d'art en a stocké un petit millier afin de spéculer sur un siècle.
Finalement, ce qui fait la valeur du minitel, de nos jour, c'est la nostalgie, l'affect…
Oui. Mais il était un formidable outil modique d'apprentissage, comme la Renault 5 pour les auto-écoles dans les années 1980s. Pensez que le Minitel 1 a parfaitement passé l'An 2000 sans être victime de bugs ! Gardez en tête que le minitel a été conçu pour continuer à fonctionner après une guerre nucléaire, afin de continuer à correspondre avec les bunkers voisins.
Non, vous déconnez ?
Ahem, scusez moi… Bon, maintenant que cette information n'est plus classée, je peux aussi parler de ça…
Mais, rendons hommage à ce soldat de la guerre informatique. Mettons-nous au garde à vous devant le Minitel inconnu du reste du Monde mais qui nous l'a envié après sa disparition.
[Monsieur X se lève alors de son fauteuil Club et reboutonne sa veste en faisant le salut militaire de rigueur].
Le legacy
du Minitel, c'est avant tout, toute une génération de jeunes français initiés à l'informatique. Il y a aussi des millions de… d'onanistes (passez-moi l'expression) qui se sont extasiés devant des œuvres en pixel-art, ce qui a permis d'initier le public aux arts numériques. C'est aussi la vision extraordinaire d'Alain Minc de la télématique, d'un terminal à prix modique relié à de grands ordinateurs centraux gérés par une autorité, modèle qui est celui de Google, Apple et Facebook de nos jours. Et d'ailleurs l'informaticien penseur Benjamin Bayart en a chanté les louanges avec son tube, « le Minitel 2.0 ».
Et le développement sur Minitel ne s'est pas arrêté : Outre le mur de minitel du notoirement célèbre repère à hackers
Toulousain le Tetalab, qui avaient réussi à en faire un vrai système de visioconférence par Skype avec une webcam… ou encore des tentatives de programmation du Minitel 2 de quelques jeux ou petits outils de bureautiques qu'on insère par le bus d'extension ou la prise série.
Il y a eu récemment de véritables exploits de développement logiciels, de vraies démos, des logiciels évolués en spectacle audiovisuels durant la décennie 2010. Par contre, l'exécution demande de ré-écrire les puces de mémoire morte, reflasher
comme disent les spécialistes… L'opération sacrifie donc définitivement le pauvre terminal en spectacle de foire.
Oui, c'est triste, mais c'est un bien beau chant du cygne que lui offre ces hackers.
Monsieur X, milles mercis pour ces indiscrétions, cette confession exceptionnelle sur la légende du minitel.
Texte : Da Scritch
Interprété par DuSport et Monsieur X
Photo : Minitel 5 civil par Matra, par @jelora119, D.R.