Extrait de CPU release Ex0001 : Monétique.
Les premières cartes bancaires étaient une sorte de gros tampon, les chiffres embossés, pour les commerçants, et une modeste piste magnétique à l'arrière.
Avec l'arrivée de la carte bancaire à puce, invention française (Cocorico !) de Roland Moreno, il devenait possible d'associer plusieurs services, d'y mettre différents logiciels, d'avoir suffisamment de mémoire pour y stocker les dernières opérations et le solde en cours du compte associé.
L'Allemagne lança en 1996 la Gelkarte, un système de porte-monnaie virtualisé, principe qui fut développé en Belgique sous le nom de paiement Proton.
Dans un accès de lucidité belgicaine, qui ferait mentir bien des humoristes franchouillards, les banques belges préférèrent ajouter l'application dans la carte bancaire déjà existante, plutôt que de créer une autre carte de paiement à coté et rajouter de l'épaisseur aux portefeuilles.
L'idée était de simplifier le paiement, et surtout la gestion de la caisse pour le commerçant : Moins de petite monnaie à trimballer signifiait moins de corvées de pièces pour le boulanger, et moins de risques de braquages.
De même que l'introduction de la télécarte avait considérablement réduit le nombre de dégradations de cabines téléphoniques, la carte de micropaiement intéressait fortement tous les opérateurs de distributeurs dans la rue, et les municipalités ayant installé des parcmètres.
Il ne fallut pas longtemps pour que les banques Françaises décident de faire traverser le Quiévrain à cette application, et d'en vanter le service à tout va.
Le groupement Carte Bleue décida donc d'expérimenter en France en 1999 une application hébergée sur la carte bleue pour faire des petits paiements jusqu'à 30 € et sans code secret. Et voilà donc Monéo.
En 2005, le service fut proposé à tous les possesseurs de Carte Bleue.
L'application Moneo fut aussi l'occasion d'ajouter de la monétisation à des documents identifiants, comme par exemple des cartes d'étudiants. Dans un certain nombre d'universités, celles-ci incorporèrent une puce bancaire à la carte étudiante. L'idée étant là aussi de simplifier la maintenance des monnayeurs des laveries, restos U et photocopieurs, au risque de créer un mélange des genres entre un document délivré par un établissement public et un système de paiement comme le propose les clubs de vacances.
Ne me faites pas dire que certaines Universités sont des Clubs Meds, je vais encore avoir des plaintes du Syndicat d'Initiative de la Faculté du Mirail pour les Étudiants en Recherche d'un Avenir Post-Bac (SIFMERAPB) comme quoi je ne les aiderai pas dans leurs réflexions par mes sous-entendus.
Mais le système Monéo reposait sur plusieurs postulats :
- d'abord, que tout le monde aie une carte bleue ;
- ensuite, que chacun fasse la procédure spécifique pour créditer son compte Monéo depuis son compte personnel ;
- et enfin que les terminaux bancaires permettent de choisir, par un écran supplémentaire avant de demander le code secret, s'il faut débiter le compte Monéo ou le compte courant.
Plantage…
Le premier problème est qu'il fallait facturer au commerçant l'achat d'un nouveau terminal de paiement (entre 700 € et 1000 €), avec aussi la location d'un identifiant de site de paiement. Ajoutez à cela les 2 % de commission bancaire sur tout paiement, fusse-t-il de 95 centimes d'euro, soit le prix d'une chocolatine.
Les-dits terminaux de paiement devaient donc proposer systématiquement si le paiement était à débiter du compte normal ou du compte Monéo. Un écran supplémentaire au paiement qui ne simplifiait pas vraiment l'usage du terminal, voire qui parfois créait des confusions peu agréables pour le commerçant en période de rush.
Mais le plus grand fail de ce système résidait paradoxalement dans l'absence de monnaie à manipuler : connaître le crédit encore disponible sur le compte Monéo obligeait donc de passer à un distributeur bancaire, si possible de sa propre agence bancaire. Sinon, il fallait recréditer sa carte à partir du terminal de paiement d'un commerçant, ralentissant d'autant plus le processus.
Devant le peu d'entrain, les banques ont commencé non seulement à offrir le service Monéo à tout possesseur d'une carte bleue, mais à l'activer systématiquement. Et tant qu'on y est, ils ont passé de coûteuses campagnes publicitaires.
Mais rien n'y a fait : Monéo ne décolla pas, la monnaie en espèce sonnantes et trébuchantes restait tellement plus simple à utiliser.
Finalement, le service fut débranché, en état de mort cérébrale, le 30 Juin 2015, et personne ne se battit pour garder le malade en vie.
Ayant retenu les leçons d'ergonomie, les banques adoptèrent la proposition de paiement sans contact poussée par Visa. Hélas, la sécurité n'est pas de mise dans le système NFC Visa. Mais sa simplicité et sa facilité en ont déjà popularisé l'usage.
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Ou alors la pub nous ment.
Le texte intégral de cette chronique est disponible sur le site de son auteur.
Écrit par DaScritch
Illustration graphique issue de DigitalTrends.com (non créditée)