Extrait de l'émission CPU release Ex0136 : Traitements du son.
Quand on a des invités qui sont trop loin du micro et qui se rapprochent brusquement,
quand Vomi prend l'antenne du Lundi complètement rond et ne vérifie pas les VU-mètres et ne monte pas le bon micro,
quand le mardi à 17 h, les rappeurs de Tinkiet l'émisison se gueulent dessus pour attirer de l'audience par la méthode du clash,…
Heureusement, on peut réduire ces sautes de niveau sonore avec un compresseur de dynamique. Si jamais le potentiel électrique atteint un certain niveau, le signal est réduit en puissance au-delà de ce niveau. Le niveau sonore continue à monter, mais moins rapidement, selon un ratio 1:x, signifiant que, au delà d'un certain niveau sonore, pour monter de 1 dB en sortie, il faut x décibels de plus en entrée.
La compression de la dynamique de l'amplitude a été créée originellement pour les disques vinyles. Cette technologie était même devenu indispensable pour le microsillon.
Le but étant d'éviter que le son enregistré soit trop fort au point que l'aiguille qui grave le disque master ne croise le sillon de la spire précédente, rendant le disque défectueux en transformant la spirale en cercle fermé. Dans le numérique, la compression de l'amplitude est indispensable car un son qui sature fait que le signal capturé est aplati, voire fait des sautes d'alternances, crachouille.
Dans les deux cas, en un mot : ignoble.
Ces fonctions utilitaires pour rester dans les limites acceptables de la technique furent ensuite adaptées pour un usage… cosmétique.
Notre oreille perçoit le son compressé d'une manière étonnante : entre deux sons qui sont exactement au même niveau d'amplitude, mais dont l'un a une amplitude compressée, notre cerveau percevra comme beaucoup plus fort le son compressé que le son au naturel. Mais si tu sais que le traitement est là, et que les réglages ne sont pas optimaux, tu peux deviner une distorsion qui peut devenir désagréable.
Dans les années 1970s, la compression de la dynamique a été utilisée en radio pour obtenir un son péchu
, ayant toujours le même niveau sonore, et semblant venir d'un émetteur plus fort que ce qu'il n'est réellement.
Les grandes radios musicales américaines en ont inauguré l'usage. Pourquoi ? Parce que selon certaines études comportementales de l'époque, l'auditeur qui zappe le long des fréquences a tendance à s'arrêter sur un son qui semble plus fort. Or qui dit plus d'auditeurs
, dit plus de recettes publicitaires
.
Aboule les brouzoufs, DJ Paulo, pousse le VU-mètre dans le rouge !
C'est le comme le sucre des aliments industriels : on en trouve partout alors que ça déforme les goûts et ça rend sourd… euh… gros.
Une des premières radios à utiliser le compresseur en Europe fut la station pirate Radio Caroline, le traitement lui permettait de compenser l'atténuation de son émetteur en ondes moyennes installé en pleine mer, et accessoirement de paraître émettre bien plus fort que BBC Radio 1, la radio concurrente sur les jeunes, alors que Caroline avait un émetteur d'une puissance bien bien moindre. Toute la joie de la modulation d'amplitude…
Pour vous donner une idée, je diffuse dans la version audio un morceau de classique sans aucune compression dynamique, même pas en post production, puis à différents ratios de compression. [Scherzo n°2 opus 31 de Frédéric Chopin, interprété par Gianlucha Luisi, distribué par le label On classical en creative commons.]
Entre la normalisation du volume sonore, et la réduction des pics de sons, l'audiovisuel dispose d'une norme européenne de l'UER, l'Union Européenne de radio-télévision, indiquant les niveaux acceptables dans l'industrie. Comme quoi, produire le concours Eurovision de la chanson, ça aide. En France, le CSA légifère, mais uniquement sur les volumes sonores perçus entre les pubs et les programmes. On l'oublie un peu mais dans les années 1990s, les pubs étaient souvent 2 fois plus fort que les musiques sur certaines stations commerciales. Et, oui, il a fallut 30 ans aux autorités audiovisuelles européennes pour arriver à une unité de mesure, exprimée en décibels, pour mesurer les différences de niveaux sonores compressés.
De nos jours, les radios dites de talk
pur comme France Info ou RMC utilisent une compression très agressive, en général réglée à un ratio de 1:3. C'est à dire qu'au-delà d'un certain seuil sonore, quand le micro capte 3 dB de plus (soit deux fois plus fort), le son ne monte que de 1 dB.
Les stations de musique savante comme France Musique, FIP, Radio Classique, si elles appliquent un tel traitement, le règlent sur un ratio quasi linéaire, en général 1:1.5, où il sert vraiment de garde-fou.
Les radios comme NRJ ou Skyrock sont au moins à 1:3 en plus de la compression originale des disques, soit un ratio d'environ 1:99 (la musique est tout le temps à fond, d'où les effets de pompe sur le son dancefloor
).
D'ailleurs, guettez quand Radio France est en grève. Avec un peu de chance, vous aurez le même flux musical entre France Inter et France Info, et vous entendrez une différence flagrante pour exactement la même musique entre les deux stations en FM.
Et encore, je ne vous ai parlé que de la compression globale. On peut appliquer une compression par bande de fréquence, pour éviter qu'un coup de basse modifie tout le niveau sonore, ou pour atténuer plus vite les sons aigus, un traitement très commun en radio FM.
Seul le texte est en licence Creative Commons, le sonore est © Radio <FMR>.
Texte : Da Scritch
Illustrations musicales complémentaires : Tinkiet l'émission du 18 avril 2017, enregistrement d'ouverture d'antenne de Radio Caroline dans les années 1970, habillage de BBC Radio 1 des années 1960,
Illustration : Histogramme de la chronique « Bonjour à toi Enfant du Futur Immédiat : Quel est le meilleur son possible ? », avant et après compression, CC Da Scritch.