Extrait de l'émission CPU release Ex0194 : Surdité.
Bonjour à toi, Enfant du Futur Immédiat, toi qui met encore trop fort tes écouteurs. Pourquoi te dit-on de mettre le son moins fort ? Pour t'éviter les inconvénients de la perte d'audition. Et pour les autres ? Est-ce que la surdité est de naissance ? un accident de la vie ? ou due à la vieillesse ?
En gros, y'a deux types de handicaps pour les bien-portants : ceux que l'on voit, et ceux que l'ont voit pas.
Une personne aveugle, tu remarqueras sûrement son chien-guide ou sa canne blanche. Une personne sourde… se fera parfois d'abord traiter de débile pendant une heure avant que son interlocuteur comprenne qu'il est inutile de continuer à s’époumoner sur quelqu'un qui ne peut l'entendre.
Ce qui est surprenant est la relation entre la surdité et le téléphone. Graham Bell essayait de trouver un moyen de reproduire la voix avec un piano quand lui est venue l'idée du téléphone. Car sa femme était sourde .
Et c'est étonnant combien l'histoire des télécoms peut être liée à des personnes sourdes. Autre personne sourde à qui internet doit tant, Vint Cerf, l'un des cofondateurs du protocole IP, et qui comme sa femme, est sourd.
Et entre les deux, y'a une histoire que m'a raconté Hocine, un militant très actif de l'association Arboré'Sign. Et je me permets de reprendre texto ses mots, car je sais qu'il adore nos chroniques dans CPU. Tiens, Gabriel, lis-moi ça :
C’est dans les années 1960 et 1970, aux États-Unis, que quelques personnes sourdes ont mis en place le premier service de relais permettant aux sourds et aux entendants de communiquer. « A Phone of Our Own : The Deaf Insurrection Against Ma Bell » (qu'on peut traduire en
Un téléphone à vous : L'insurrection sourde contre AT&T) raconte les progrès accomplis dans la communication des personnes sourdes, depuis les années 1960 jusqu’aux années 1990. Publié en 2000 et écrit par Harry G. Lang, professeur au Département de recherche de l’Institut technique national pour les personnes sourdes (NTID), l’ouvrage revient sur le rôle de trois hommes déterminés qui ont rendu possible l’accès au téléphone pour la communauté sourde.En 1964, Robert H. Weitbrecht (1920–1983), James C. Marsters (1924–2009), et Andrew Saks (1917–1989) ont entamé le processus qui allait permettre aux personnes sourdes du monde entier de bénéficier d’un système de téléphonie à un coût abordable. Tous les trois étaient eux-mêmes sourds. Ils étaient également épris d’indépendance et convaincus que les sourds pouvaient et devaient s’entraider plutôt que de s’en remettre aux personnes entendantes.
Robert Weitbrecht, né sourd, était quant à lui un brillant physicien de l’Institut de recherche de Stanford. Opérateur radio amateur licencié, il était parvenu à relier un téléimprimeur à sa radio à ondes courtes et s’intéressait particulièrement au code Morse, qu’il avait utilisé pour communiquer avec d’autres radios amateurs dans le monde entier. En 1950, il obtint auprès d’une entreprise de presse de Los Angeles un téléimprimeur usagé qui ne fonctionnait que pour la réception et parvint à le modifier de sorte à pouvoir émettre des messages par radio. Lors d’une randonnée sur le Lassen Peak, il rencontra un homme et son fils, sourd, et se lia d’amitié avec eux. Cette personne l’invita un soir à un dîner et l’un des convives le mis en relation avec James Marsters, un éminent orthodontiste, également pilote, devenu sourd après avoir contracté la scarlatine durant son enfance.
Weitbrecht mit au point le premier coupleur acoustique (désormais connu sous le nom de modem) et eu l’idée de le connecter à deux téléimprimeurs. Le coupleur transformait les signaux électriques émis par le premier appareil en tonalités puis les renvoyait sous forme de signaux électriques vers le deuxième appareil, où le message était ensuite retranscrit.
N'oubliez pas mon ami Olivier Jeannel, jeune entrepreneur français sourd de naissance, a créé l'application pour mobiles RogerVoice, pour que les hackers sourds puissent enfin téléphoner grâce à la reconnaissance vocale.
Merci Hocine pour le texte, merci Gabriel pour la lecture.
Il est toujours intéressant de rappeler les métriques. Et y'en a une qui me désole :
Les personnes en situation de handicap sont 1,2 fois moins enclines à rechercher un métier dans le numérique… selon le baromètre 2022 de l’Observatoire des diversités et du numérique.
Or, qui, sinon les personnes souffrant d'un handicap, sont les plus motivées à travailler sur l'accessibilité ?
Enfant du Futur Immédiat, oui, la surdité n'empêche pas l'apprentissage et l'inventivité, d'ailleurs, les problèmes posés par un handicap amènent régulièrement des réponses qui peuvent être utiles à tous.
Texte : Da Scritch et Hocine.
Voix complémentaire : Gabriel.
Illustration graphique : International Symbol for Deafness, domaine public