Extrait l'émission CPU release Ex0066 : L'autre côté du Mur de Berlin.
Privetstvuyu vas, tovarishch Enfant du Futur Immédiat. Aujourd'hui, nous allons te parler de l'informatique derrière le Mur. Non, pas le firewall, [ni Breakout], mais du Mur de Berlin, celui qui se brisa en 1989, annonçant la fin d'un époque. Une époque où le monde physique se préparait à une guerre annihilatrice entre deux superpuissances armées de généraux pressés d'en découdre et de têtes nucléaires, phalliquement tendues, attendant qu'un appui sur le bouton rouge et… je me rends compte que je m'égare.
Rappelle-toi, on t'a souvent parlé des années 1980s sur notre programme, un moment où la jeunesse de l'Europe de l'Ouest s'émerveillait devant les ordinateurs personnels et consoles de jeux qui arrivaient dans les grands magasins.
L'informatique familiale était un loisir de riches : les ordinateurs coutaient une petite fortune, il fallait sacrifier plusieurs mois de SMICard pour s'offrir un des premiers PC. Un coût conséquent pour que le garçon de la famille s'éclate sur des jeux, car oui, la commercialisation de ces joujoux a involontairement fait en sorte qu'il y aie d'un coup plus d'hommes que de femmes à s'y mettre ; et ce même génie marketing a fait croire qu'on achetait des ordinateurs pour des logiciels éducatifs alors qu'il s'agissait de défourailler du Rouge dans la jungle de « Commando ».
Pendant ce temps, de l'autre côté du fameux Mur, l'URSS et les pays du Pacte de Varsovie étaient sous le coup d'un embargo qui empêchait l'électronique de pointe de s'y pointer, Euh pardon, d'y importer depuis l'Est par exemple les microprocesseurs et les modules de mémoire. Après tout, il y a le minimum pour construire l'intelligence de pilotage d'un missile dans un Apple II.
Bon, ceci dit, y'a eu de la contrebande et du matériel passé en douce dans le Paradis Communiste ☭™. On en a des preuves sérieuses via le film documentaire « Twist Again À Moscou » où l'on voit un magnétoscope et des cassettes de rock importés en douce depuis l'Ouest.
Comment ça, « Twist Again À Moscou » n'est pas un documentaire ?
Reste qu'il y avait des appareils qui étaient conçus, construits et diffusés en Europe de l'Est. D'où une question incongrue : Comment s'est montée une production primo-destinée à des héritiers de petit-bourgeois, alors que l'industrie des micro composants électroniques étaient strictement réservée à l'usage militaire ?
Sûrement un coup de Zorin... Mais siiiii, le méchant constructeur de microprocesseurs qui voulait noyer la Silicon Valley dans le James Bond « Dangereusement Votre »… bon laisse tomber, visiblement, j'ai que des références de vieux, ou de films moisis, ou des deux.
Comment, dans un plan quinquennal, les Démocraties Populaires ont-elles pu investir de précieuses ressources dans un loisir de petit bourgeois alors que le peuple doit faire la queue dans les magasins ? Ou attendre 7 ans pour que la Lada commandée soit enfin livrée ? (D'ailleurs je ne sais pas si vous avez tenté d'acheter du beurre récemment.... Moi, j'ai dû passer à la margarine d'huile de vidange...)
Bref, aussi surprenant que cela puisse paraitre, dans cet univers qui nous semble alternatif que fut le bloc de l'Est, dans ce paradis soviétique dystopique où tout le monde était surveillé et s'appelaient entre eux camarade
avec suspicion, il y avait une scène de la micro-informatique et même... des bornes d'arcades !
Oui, des jeux de bar qui se nourrissaient d'une pièce à la valeur faciale incongrue : 15 kopecks.
Mais voilà, l'URSS, cette glorieuse nation qui ouvrir l'ère spatiale de notre espèce en étant la première à satelliser un objet, puis à effectuer des vols spatiaux habités, s'est embourbée dans des crises politiques et financières. Elle et tous ses satellites explosèrent en vol comme une centrale ukrainienne.
Mais l'héritage de cette époque n'est pas à négliger ! Plusieurs éléments en sont sortis : des équipes de bidouilleurs talentueux, comme le groupe de demomakers polonais The Silent qui font désormais de la musique avec des lecteurs de disquettes ; le jeu Tetris qui fut conçu par des chercheurs moscovites, et de nos jours parmi les meilleurs spécialistes en sécurité et intrusion informatique, on compte l'anti-virus Kapersky développé en Russie et les équipes de piratage qui officient aux ordres du Kremlin.
Camarade Enfant du Futur Immédiat, la qualité du matériel ne fait pas tout : Face à des moyens un peu plus limités, une génération s'est montrée plus ingénieuse et a tenté de mieux exploiter un matériel. Car l'inventivité humaine est parfois stimulé par les limites.
Et cet… exercice… se retrouve par exemple dans les pays dit en voie de développement
, des passionnés qui n'ont pas les moyens de s'acheter le tout dernier smartphone, mais qui formeront le prochain milliard d'individus connectés à internet.
De nos jours, la plupart de nos joujoux électroniques préférés de petit bourgeois viennent d'un autre grand pays communiste : La République Populaire de Chine, devenue l'industrie du monde. Nous en avons à dire sur l'Empire du Milieu, mais ceci, camarade Enfant du Futur Immédiat, est une autre histoire.
Bref, ce mois-ci, nous fêtons le centenaire de la Révolution d'Octobre, celle qui mis les despotes bolchéviques au pouvoir !
Oui, je sais, la Révolution d'Octobre a eu lieue en Novembre, ça te semble bizarre, mais ils étaient super disruptifs pour l'époque !
Pour fêter les 50 ans, les bolivariens avaient commencé très fort les festivités en tirant sur Che Guevarra. Avouez que flinguer un oppresseur terroriste imposant son idéologie européenne et qui porte en étendard le symbole ultime du capitalisme, le cigare Cubain, l'idée était classe !
Nous, nous allons simplement assassiner le mythe de la Révolution en parlant de ces joujoux décadents occidentalistes que sont les ordinateurs familiaux et qu'ils ont voulu.
En attendant, Camarade Enfant du Futur Immédiat, Spokoïnoï notchi !
[Le texte complet est disponible sur le site de son auteur]
Auteurs : DaScritch
Photo : détail d'un clavier avec les touches imprimées d'un ordinateur fabriqué en Roumanie, CC