Extrait de l'émission CPU release Ex0080 : 🍕 Pizza.
Bonjour à toi, Enfant du Futur Immédiat, toi qui en est encore à mesurer au rapporteur l'angle idéal pour partager un disque en 5 parts égales.
Aujourd'hui, nous allons parler de cercle, de disque, de secteurs et de choses qu'on met dessus sans la retourner car elle est simple face.
Oui, je te parle de… La pizza !
Le summum de la street-food italienne, dont l'origine strictu sensu pour les intégristes se limite à une très petite bande de la botte latine. À savoir entre Scappanapoli et la via dei Tribunali. Tout ce qui est en-dehors du centre historique de Naples ne sont pas des pizzas pour ces ayatollahs.
Cette spécialité dont il existe des concours de façonnage dans deux catégories maîtresses : l'artistique et la vitesse.
La pizza est le premier plat aux copyrights débattus, on se souvient tous du retentissant procès sur la Margherita™.
La pizza dont l'ajout la version hawaïenne
est tellement controversée qu'elle a faillit être interdite en Islande afin d'éviter une guerre civile dans les restaurants, ouvrant par la-même une crise politique à Reykjavik dite de la pizza à l'ananas
traitée dans un long dossier dans le New York Times. On a frisé de peu une guerre volcanique avec Honolulu.
La pizza est la seule raison objective pour laquelle, Enfant du Futur Immédiat, tu vas négocier avec tes parents la construction d'un four à bois en briques réfractaires sur la terrasse, à la place du ficus…
Oui, cette release risque de te mettre l'eau à la bouche alors qu'il n'est que 11 h et 3 minutes, et d'ailleurs, je vois que certains ont déjà distraitement ouvert leur tiroir pour en extirper la carte du pizzaiolo le plus proche de leur bureau.
Or, il se trouve que dans notre monde du numérique, la pizza a une place immuable dans son panthéon créationniste : combien de pizzas ont vécu la conception de l'Apple I par Steve Jobs et Steve Wozniak ? Combien de pizzas ont vu les débuts de la souris ? Combien de pizzas avant qu'enfin l'iPhone puisse ouvrir sa première page web ? Et pour la création de Pied Piper ?
Et en-dehors de l'aliment, les boîtiers d'ordinateurs eurent même un format on ne peut plus clair : la pizza box, notamment des Indigo de chez Silicon Graphics et des NeXTstations. Que du beau monde dont le prix d'achat neuf se mesurait en dizaine de milliers de pizzas géantes. Eeeeh oui.
Y'a même des collectionneurs acharnés de ce design qui s'empile si élégamment sous un moniteur à tube.
Figure-toi que la pizza est d'actualité dans la Silicon Valley, à Menlo Park... le pub mythique où tant de projets high-tech furent lancés, The Oasis Beer Garden, a servi sa toute dernière pizza le 7 mars 2018, soir de sa fermeture définitive. Je suis sûr que notre ami Chris O'Brien y avait sa carte de fidélité.
Bien des venture capitalists et business angels ont versé des larmes de crocodile pour la fermeture de ce lieu légendaire, alors que c'est eux-mêmes (les fourbes !), qui ont financé l'application Sliceline, celle qui ubérise la fabrication de la pizza via des stages de professionnalisation de Pôle Emploi, la facturation via l'app store d'Apple et la livraison par un étudiant fauché mais néanmoins sportif.
D'ailleurs, message perso aux livreurs de Uber Eat, Foodora et Deliveroo : s'habiller en noir, ne pas avoir de lumières sur son vélo alors qu'il fait nuit très tôt en hiver et que les rues ne sont pas toutes bien éclairées, regarder son smartphone avec un casque sur les oreilles, et griller les feux rouges à toute berzingue pour livrer une pizza… faut pas s'étonner si le chef d'accusation de braconnage n'a pas tenu.
Tu joues ta vie pour une calzone, 1,50 € la course en comptant le pourboire ! Des dinosaures sont morts pour moins que ça.
Ahem, mais revenons à table.
Enfant du Futur Immédiat, je dois te faire une confession. Entre autres crimes contre l'Humanité, je suis un avide dévoreur de pizza pleines de gluten, garnies de charcuteries polyphosphatées et gratinée, enfin avec une tentative de spécialité vaguement fromagère.
Alors oui, je dois faire une ode. À toutes ces pizzas surgelées, à toutes ces pizzas à emporter 3 pour le prix d'une
, à toutes ces pizzas sacrifiées les nuits à geeker, pour se retrouver consommées froides avec un café et la garniture débarrassée des capsules de bières, cendres et mégots de cigarettes, signes d'une nuit très productive ou pas du tout. Et je ne discriminerai pas les pizzas à la croûte fourrée de fromage d'une célèbre franchise qui joue aux dominos, même si je vomis le mode de cuisson frites à l'huile. Au sens propre.
Mais surtout, je voue un culte aux pizzas artisanales, celles cuites dans un four à pain avec un feu de bois, à la croûte épaisse qui a la texture d'un pain, à la base de tomates fraîches, parsemée de petites olives avec le coup de persillade, avec le fromage bien doré dessus, et la rasade d'huile pimentée. Le tout servi dans son plat en alu avec un chianti dans un cadre faussement typique. Et comme me l'oblige le CSA, je citerais mes trois adresses favorites : la Pastasciutta, Pizz'Artisanale et la Grand'Pizzeria. Le fait que mon papa aie participé à la décoration de cette dernière y'a plus de 40 ans n'est qu'un pur hasard… Oui, fallait être cintré pour reconstituer in-doors un village sicilien. Vous savez maintenant de qui je tiens mon grain.
C'est malin, je salive, j'en veux une grande, sans anchois.
Enfant du futur immédiat, y'a des monologues qui sont dangereux à écrire : il ne faut pas manger trop gras, trop sucré, trop salé et je vais courir 4 kilomètres dès que j'aurais coupé mon micro.
Et d'ailleurs, arrivano, queste pizze ?
Oui, laisse-moi croire qu'elles me font parler italien.
[Le texte complet est disponible sur le site de son auteur]
Auteur : DaScritch
photo : Une pizza de la Grand'Pizzeria, détail. © Enflammée