Extrait de l'émission CPU release Ex0095 : Crie si tu sais… II.
Je vais vous raconter l'histoire d'un génie, d'un génie dont la vie a basculé dans le tragique.
John né en 1945 en Angleterre, grandira aux États-Unis où il fera la fac dans les mathématiques. Son premier vrai taf sera informaticien à la NASA entre 1968 et 1970. À l'époque, fallait être un génie pour se retrouver développeur informatique à la NASA. John McAfee quittera néanmoins son prestigieux employeur pour déménager dans la Silicon Valley en plein boom, rejoignant Univac comme développeur système, puis Xerox comme architecte de système d'exploitation. Il devint consultant logiciel en 1978 et enchaîne les contrats de mercenaire pour différentes boites de très gros systèmes et entreprises d'armement.
C'est par hasard qu'il rencontre Brain en 1986. Brain était le premier virus pour MS-DOS. À l'époque, les ordinateurs de cette taille étaient rarement connectés, mais on pouvait les infecter via des disquettes. D'ailleurs, les virus se trouvaient plus sur d'autres plateformes depuis une dizaine d'année. Y'a même un petit auteur de SF, Michael Crichton, qui avait imaginé qu'un virus rende fous des robots dans un parc d'attraction, et il en a fait un film, « Westworld » (je ne compte pas la suite), mais je pars complètement à l'Ouest...
Brain était une petite saloperie, mais une toute petite saloperie : il ne tentait pas de détruire les données, il ne faisait que ralentir les lecteurs de disquettes et squatter un peu de mémoire dans un coin, rendant le PC encore plus pénible à utiliser. Brain est issu des cerveaux de deux frères pakistanais qui voulaient protéger leur logiciel médical du piratage, mais leur création maligne leur a vite échappé des doigts et s'est retrouvé infecter des millions de disquettes et d'ordinateurs qui n'avaient jamais vu leur logiciel.
La curiosité de John McAfee va l'amener à rencontrer une disquette infectée par Brain. Il va créer un logiciel qui va nettoyer les disquettes infectées de ce virus, et des variantes qui commence à apparaître. Ce logiciel sera le premier antivirus commercial sur PC capable de détecter plusieurs virus différents et de les nettoyer. Comme John est modeste, il va lui donner son nom , McAfee
, et créera sa boite, McAfee Associates en 1987. Pour vendre son soft, il aura l'idée d'utiliser la Peur comme méthode commerciale, prédisant des millions et des millions en dégâts à longueur d'interviewes et de présentations commerciales.
Il avait trouvé son filon, et sera loué par ses utilisateurs comme un sauveur. Et par son équipe, souvent des copains.
Il faudra peu de temps pour que le succès lui monte à la tête…
John McAfee est.... Le Gourou
McAfee Associates se paie des locaux, et pense au confort de son équipe de dev. À sa manière.
Il engagera 3 sorcières Wicca à plein temps pour McAfee Associate. Oui oui, des sorcières, chargées de rituels comme les pentagrammes à l'entrée, les invocations d'esprits au tambourin avant les présentations marketing, et la purifications des postes de dev.
7 ans après avoir fondé McAfee Associates, il quitte l'entreprise et revend ses parts pour 100 millions $, une somme qui permettrait à un méchant james-bondien de se payer un luxueux repaire : il s'est offert une montagne où il construira un centre de relaxation yoga, où il devient prof pour ses nouveaux disciples, donnant des cours, des séminaires et publiant des livres.
En 2009, il avait investi sa fortune dans l'immobilier, mais la crise économique va faire fondre sa fortune d'une centaine de million de dollars à moins d'une dizaine... De quoi devenir fou ? Non, il l'était déjà.
Mais pas complètement : il a investi à côté dans un labo pharmaceutique à la recherche de nouvelles molécules dans la flore tropicale. Un labo qui est dans sa nouvelle luxueuse propriété. Une maison avec la plage en guise de terrasse, dans le paradis fiscal du Belize, un confetti coincé entre le Mexique et le Guatemala.
John se montre vite très obsédé par sa sécurité, parano jusque dans l'usage de son téléphone. Il est persuadé qu'avoir créé un antivirus mondialement connu en a fait la cible de gangs de hackers. Avoir plusieurs armes à feux ne lui suffit plus. Il fricote donc avec des personnes peu recommandables, qu'il charge de sa sécurité. Dans les faits, il s'est montée une vrai milice qui terrorise les villages voisins. Mais il s'acoquiner avec des bandits locaux attire les ennuis : il a plusieurs fois été soupçonné de trafic de drogue, construction d'un labo de méthamphétamine et détention d'armes de guerre, ce qui lui vaudra la visite du SWAT local, et pas pour prendre une bière. Mais comme il arrose certaines autorités locales, on lui fout la paix : si la police municipale a une voiture, c'est qu'il l'a payée. Entouré d'hommes en armes, à l'ombre des palmiers, John conforte son statut de vrai gourou qui entretien un harem d'adolescentes, soumises à ses fantasmes scatophiles.
John va croiser une biologiste qu'il trouve mignonne, Allison Adonizio, qui s'est spécialisée dans la recherche d'antibiotiques. il lui propose de rejoindre le labo de sa petite firme pharmaceutique, oui, le labo dans un appentis au fond de son jardin. Un coin de paradis qui devient vite oppressant quand la scientifique entend parler de son patron dans des histoires de viols et de crimes non résolus... McAfee la droguera et la violera, elle fuira en catastrophe, ayant réussi à acheter un billet d'avion avant qu'il ne coupe le courant de son appartement et qu'il l'a course avec un fusil à pompe... Aucun policier n'ira déranger le gringo John McAfee.
Car quand John trouve sa tranquillité trop dérangée, on ne sait de quoi il est capable. Il poursuivra un voleur et le torturera au taser et au couteau. En novembre 2012, le voisin de plage de McAfee, Gregory Viant Faull fut retrouvé criblé de balles parce qu'il se plaignait de ses chiens hyper agressifs. Très vite, la police locale soupçonne le nabab américain, mais à peine arrêté, il se trouve tellement malade quand on l'interroge qu'il faut l'envoyer dans une clinique au Nicaragua. Comme de par hasard. Mais le Nicaragua n'en veut pas, et John McAfee se retrouve expulsé aux États-Unis. C'est pratique de se retrouver expulsé dans sa patrie : les États-Unis n'expatrient jamais leurs ressortissants.
Soupçonné de meurtre et échappant à la justice locale, le nom de McAfee commence à sérieusement sentir le souffre. Au point qu'Intel, qui a racheté son antivirus depuis belle lurette, annonce en 2014 qu'ils rebaptisaient l'antivirus McAfee en Intel Security. John a répliqué dans une vidéo virale (ehehe) où il apparait en peignoir entourée de trois naïades courtement vêtues, disant que l'antivirus en question était devenu le pire logiciel possible et qu'il fallait le désinstaller. Objectivement, il n'avait pas tort...
Quand John McAfee retire son peignoir de bain, il se mêle de politique, se définissant comme libertaire, pour la légalisation des drogues, le repli militaire et diplomatique des États-Unis, la libéralisation à outrance, la discrimination à l'embauche pour conscience religieuse et pour la suppression des aides sociales et médicales. Il s'est présenté pour les élections présidentielles américaines de 2016, mais a perdu aux primaires du Parti Libertaire.
À la DEFCON 2014, John a dénoncé les programmes de surveillance gouvernementaux et les logiciels sur smartphones trop indiscrets.. mais il est très facile d'hurler avec la foule après les révélations d'Edward Snowden.
McAfee a pris des postes à responsabilité dans différents capitaux risqueurs. Il s'est autoproclamé porte-parole des start-ups spécialisées bitcoin et consorts, et pour 105 000 €, il peut vanter dans un tweet ta cryptomonnaie à ses 800 000 abonnés. Parce que ouais, à 73 ans, le vieux beau est un influenceur charismatique et le monde de l'informatique parle encore de ce gourou en baissant la voix. On murmure que Johnny Deep va l'incarner au cinéma.
L'excentricité n'est pas un crime, mais les lubies de John McAfee n'ont plus rien de marrant car sa vie raconte l'histoire d'un super-vilain, un vrai, un qui vous fait croire qu'il ne veut que votre sécurité, mais qui pourrait vous tuer dans la nuit, dans un accès de folie paranoïaque.
Auteur : DaScritch
Photo : Capture d'écran de la vidéo How To Uninstall McAfee Antivirus
, détail, D.R.