Extrait de l'émission CPU release Ex0124 : Apple II.
En 1971, récupérant ça et là sur San Francisco des cartes électroniques défectueuses, Bill Hernandez et un copain ultra-doué arrivent à construire un ordinateur minimaliste en chambre : Le Cream Soda Computer. Du bricolage, mais sa construction n'était pas à la portée de n'importe qui.
Le copain est Steve Wozniak, alias The Woz
, le génie co-fondateur d'Apple, il est… Le Gourou.
Steve Wozniak et né le 11 août 1950 et ... Oh mais , joyeux anniversaire, Woz ! Oui, je sais, on enregistre le 10 août 2019
À 11 ans, il construit son poste émetteur-récepteur radio amateur. À 13, sa première calculatrice électronique.
En 1969, il retourne dans sa Californie natale après avoir été viré de l'Université du Colorado pour plaisanteries avec l'équipement informatique. Oui, le Steve est farceur et souvent jovial, il aimait les blagues téléphonées.
Bill Hernandez va le présenter à un autre pote : Steve Jobs. Les deux Steve vont construire des Blue Box qu'ils revendent aux copains. Ce boitier à brancher sur son téléphone parasitait le système de facturation d'AT&T en générant de fausses tonalités de contrôle, ce qui permettait de passer de très coûteux appels interurbains sans payer un radis. Bref les deux font leur beurre avec du piratage. C'est pas bien.
En 1973, Steve Jobs va rappeler Woz à la rescousse sur un problème que lui a confié son employeur Atari : réduire le nombre de composants du jeu d'arcade « Breakout ». On en a déjà parlé, Woz a été exceptionnel mais Jobs va la faire à l'envers à son pote, lui cachant sa prime de 5 000 $.
En 1975, Steve Wozniak n'a que 25 ans, mais il va construire le premier ordinateur familial capable d'afficher du texte sur un écran, avec ce qui deviendra son micro-processeur fétiche, le MOS Technology 6502. L'engin sera l'Apple I qui épatera les autres membres du Homebrew Computer Club, le club d'électronique de Palo Alto qui accueille de futurs étoiles de la Silicon Valley.
Le design sera plusieurs fois proposé à Helwett Packard, lesquels ne croyaient pas à l'informatique familiale. Alors que Woz voulait publier son schéma et sa ROM dans des magazines, Jobs le retiendra et aura l'idée de le vendre direct sur le marché, chacun y mettant ses maigres économies. On est en avril 1976, l'ordinateur sera vendu comme carte-mère nue, pour 666.66 $ (Woz a une obsession pour les répétitions de chiffres). À vous de trouver un clavier, une alim et un moniteur pour le faire fonctionner. Bref, un truc de passionnés.
Les 200 exemplaires de l'Apple I se sont bien vendus. Jobs a le flair, The Woz a le génie, ils peuvent créer une boite et présenter un vrai ordinateur complet, et en un temps record : les deux Steve veulent le présenter en avril 1977 au West Coast Computer Faire.
Quand il conçu l'Apple II, The Woz a comme d'habitude
fait très fort en tentant d'utiliser le nombre minimal de puces nécessaires pour la carte mère, utilisé des astuces de programmation assez dingue pour faire tenir son Basic Integer dans 4 kilo-octets…
Steve Jobs voulait sortir de l'époque Homebrew Computer Club. Il voulait un produit fini, avec un chouette boitier, et un autocollant derrière qui dise Ne pas ouvrir : aucune pièce n'est remplaçable par l'utilisateur
. Wozniak, lui, voulait montrer au monde ses leet hackorz skillz ! Et donc il inclut dans le manuel le schéma technique de l'ordinateur.
Ben oui, Wozniak voulait expliquer à des amateurs éclairés comment bien construire un ordinateur, et il avait peut-être secrètement l'idée d'en faire un projet hardware open-source ? Après tout, il dit toujours que l'argent corrompt les valeurs. En tout cas, les copies d'Apple II ont très vite pullulé.
Plus amusant : les systèmes concurrents, tous les ordis 8 bits de l'époque, mettaient dans leur manuel une description schématique, ce qui était nullement une obligation. Ils l'ont fait parce qu'Apple le faisait… Sans se douter de la réelle intention du Woz ?
On m'a parlé de 200 modèles de clones recensés sur 14 pays quand la gamme s'est officiellement arrêtée en 1993.
Mais le génie de The Woz va faire ombrage à Jobs. Sur le projet Macintosh, Wozniak a la main haute, jusqu'au 7 février 1981, jour où il crashe l'avion qu'il pilotait, se retrouvant dans le coma. Il dit que jouer sur un Apple II l'a aidé à guérir son amnésie.
Jobs l'écartera du projet pendant sa convalescence, avec la même élégance que Bill Gates quand il écartera Paul Allen de Microsoft suite à sa maladie. Ça plus l'embrouille chez Atari 10 ans plus tôt, ça sera le clash entre les deux Steve, Wozniak va pour claquer la porte d'Apple, et…
(Cet article a été amendée avec la précieuse collaboration impromptue du service juridique de Cupertino)
Wozniak se mettra en retrait d'Apple en 1985, prenant acte qu'il préférait être ingénieur plutôt que manager. Néanmoins, il y émarge toujours comme employé et représente la marque.
Il redeviendra étudiant à Berkeley, histoire de finir son cursus et avoir un diplôme sur son CV, toujours pratique même quand on est une célébrité de la Silicon Valley. Et comme il a toujours voulu enseigner à des enfants, il devient professeur d'informatique pour des collégiens, aménageant son garage en salle de classe d'informatique. Affichant une éthique forte, il participa activement à la création de l'EFF (Electronic Frontier Foundation).
Mais The Woz restera entrepreneur : En 1987 Il créa la première télécommande universelle programmable. En 2001, il fonde Wheels Of Zeus (WOZ), société consacrée au guidage GPS.
Et toujours dans son envie de faire apprendre, en 2017, il crée la Woz U, une université virtuelle reconnue aux USA avec des cursus dans l'informatique.
Si Steve Wozniak n'a pas été d'accord avec le côté très commercial d'Apple, il en apprécie toujours les produits, et il lui arrive de faire la queue devant un Apple Store le jour de la sortie d'un nouvel iPhone, discutant joyeusement avec les apple-maniaques.
Et il raconte beaucoup de choses dans son autobiographie « iWoz : From computer geek to cult icon », sorti en 2006 et traduit en France chez L'École des loisirs.
Ah oui, Comme Steve Wozniak a une obsession pour les chiffres qui se répète, son numéro de portable était le 408-888-8888, et, oui, il répond au téléphone.
Il a aussi eu le 888-888-8888, mais s'est retrouvé floodé sous les appels sans réponse… les appels étaient fait par… des bébés… qui trouvaient marrant d'appuyer sur cette touche qui fait de la musique. L'adepte des farces téléphoniques se faisait troller par des petits nouveaux.
Texte : DaScritch.
Photo : Steve Wozniak at World Business Forum 2014 in Milan (Italy), CC-By-SA Alessandro Viapiano , détail