Extrait de l'émission CPU release Ex0143 : Le son laser.
Apparu en 1982, Le Compact Disc et ses monstrueuses capacités de stockage vont très vite motiver des ingénieurs à en faire un support de données gravable :
- soit pour les professions du son, de part ses qualités de restitution,
- soit pour l'informatique, parce que changer les disquettes, ça lasse.
Premier problème : avoir un standard pour le formatage d'un CD comportant de la donnée. Car chaque constructeur informatique était parti pour concevoir son format de fichier à lui, ce qui aurait rendu le CD-Rom incompatible d'un fabricant à l'autre. À l'époque, échanger une simple disquette entre disons Mac et PC était une horreur sans nom. Cette normalisation se fera en 1988 avec le Yellow Book et la norme ISO 9660, qui reprendront le format High Sierra. Le nom High-Sierra
vient du casino [devenu un Hard Rock Hotel] où eurent lieu fin 1985 les négociations entre différents fabricants d'ordinateurs.
Si si, véridique !
Les premiers CD-Rom vont arriver dès 1985 avec l'encyclopédie électronique Grolier sur PC, la première console de jeu avec CD-Rom sera une extension de la PC Engine en 1988. À partir de 1995, pratiquement tous les magazines d'informatique en kiosque ne proposent plus que des CD-Rom en encarts.
Tous les chemins menant au CD-Rom, adieu la disquette.
Deuxième problème : Construire une solution, même semi-professionnelle, pour graver un CD à l'unité.
Durant les années 1980s, on entendit parler d'appareils plus ou moins expérimentaux, énormes et très coûteux. J'ai le souvenir d'un engin qui utilisait une cire chauffée, ce qui vous fait une belle jambe d'avoir un substrat instable.
C'est là encore Sony et Philips qui vont normaliser tout ça dans le Orange Book en définissant trois technologies : le MOD (magnéto-optique), le CD-WO (Write Once), et le CD-RW (ReWritable).
La première technologie uniforme à arriver sur le marché professionnel sera le disque magnéto-optique : un support ré-inscriptible, un CD hybride à surface magnétique enfermé dans un boîtier-châssis. À l'enregistrement, le laser en puissance d'enregistrement chauffe la surface du disque, ce qui lui fait perdre son magnétisme à sa température de Curie, un effet utilisé dans les bouilloires, rice-cookers et plus récemment les disques durs HAMR de Seagate. L'info magnétique étant effacé, une nouvelle peut être enregistré par une tête magnétique derrière, et en refroidissant, l'information se fige. La surface renvoie différemment la lumière en fonction de sa magnétisation, grâce à l'effet Kerr magnéto-optique, et sera lu par le laser en mode lecture. Mais le principe d'une cartouche et l'effet Kerr utilisé limitent la compatibilité qu'aux appareils de ce format industriel, l'usage du MOD restera très confidentiel et coûteux.
Le disque magnéto-optique enfantera le Mini-Disc de Sony, mais c'est une autre histoire.
Donc j'ai fait la moitié de ma chronique qui durera sûrement le temps de gravure d'un CD en ×16 qu'on n'est pas arrivé au cœur du sujet…
Arriveront au tournant de 1990s les supports et appareils CD-WO (Write Once), enregistrable une seule fois.
Le principe est de faire émettre le laser 10 fois plus fort (à 10 mW), montant la température du support à 250 °C pour faire fondre une surface intermédiaire entre la pellicule métallique et le substrat pour graver un creux. La gravure joue sur des changements très rapides de puissance du laser entre gravure et lecture, ce que l'outil sait parfaitement faire. La différence fait varier le niveau de réflexion du disque entre 40 % et 70 %, ce qui est suffisant pour la plupart des lecteurs. Ces supports seront très vites renommés CD-R (Recordable) et s'imposeront car lisibles sur la plupart des lecteurs de CD Audio et CD-Rom. Le format devenait enfin enregistrable et interchangeable.
Le disque vierge peut sembler d'une couleur unie, verte ou bleu selon la qualité du substrat choisi, mais il comporte une subtilité microscopique dans la partie réfléchissante : une spirale pré-imprimée pour guider le laser, le pre-groove. En plus de guider la tête, cette spirale indique la bonne vitesse de rotation grâce à une oscillation à 22,1 kHz. L'astuce permet de réduire considérablement la complexité des enregistreurs pour un prix modique.
Simple.
Basique.
Les substrats CD-R les plus courants sont :
- la cyanine de teinte bleue, donnant une couleur verte lorsque la couche métallique est en or ;
- la pthalocyanine d'une teinte
vert clair
, donnant une couleur dorée lorsque la couche métallique est en or ; - l'AZO, d'une teinte bleu foncé très marqué.
Évidemment, ces supports ne sont pas éternels, et ont tendance à se décolorer, en fait à se décoller depuis le bord extérieur. Sur des tests que j'ai effectué en voulant relire des archives de Radio <FMR> gravées en 1998, et conservés parfaitement à l'abri de la lumière et de la chaleur pendant 22 ans, les meilleurs résultats de stabilité dans le temps semblent obtenus avec les substrats AZO.
À comparer aux 100 ans annoncés des CD imprimés, alors que certains commencent à se détériorer 20 ans après leur achat.
Une des premières évolutions du CD-R fut de permettre d'ajouter en plusieurs fois des données sur un CD gravé, ce qu'on appelle un enregistrement multi-session, en créant plusieurs tables d'allocations (qui positionne chaque index). Mais impossible d'effacer des données pour libérer de la place sur le support.
Le CD-RW corrigera ce souci 5 ans plus tard, en proposant un substrat qui pouvait revenir à son état vierge [le nom originel était CD erasable
]. À l'écriture, le substrat est chauffé entre 500 °C et 700 °C, ce qui le fait changer d'un état cristallin à amorphe faisant varier son indice de réflexion. Le contraste entre monts
et vallées
n'est que de 15 % à 25 %, ce qui fait qu'une bonne partie du parc de lecteurs CD audio et CD-Rom n'arrive pas à les lire. Le CD-RW sera plus associé à un usage informatique. Et d'ailleurs, la plupart des CD-RW vierges disposent d'informations hard-codées sur la vitesse minimale d'enregistrement, souvent 4 fois supérieures à la lecture d'un compact-disc audio. Et il proposait à prix modique une capacité largement supérieure aux disques durs de l'époque, ce qui va démocratiser une opération d'hygiène élémentaire : les sauvegardes !
Un peu comme quand on a inventé le savon au Moyen-Âge : l'ambiance a radicalement changé dans les open-spaces.
Texte : Da Scritch.
Photo : CC-By NeoFitz