Extrait de l'émission CPU release Ex0159 : Légendes confidentielles du minitel, première partie.
C'est ainsi que fut construit le protocole X.25, sous le nom de code Transpac
, qui marchait en communication exclusive de point en point. C'est à dire qu'un point de communication ne pouvait communiquer qu'avec un seul point à la fois. Le fonctionnement est donc un peu comme un appel téléphonique : si vous vouliez contacter un autre service, il fallait raccrocher virtuellement, recommencer tout le protocole d'appel pour joindre l'autre correspondant. Et pour revenir au premier, rebelote.
Mais ce principe avait l'immense avantage de passer par un réseau centralisé, donc sécurisé, avec un usage unique à l'instant, et très facilement facturable.
En termes techniques, on appelle ce type d'usage une vision télécom
, à la différence d'une vision informatique
comme Cyclades qui promettait l'anarchie.
Je vous laisse imaginer l'immense difficulté pour les ingénieurs informaticiens quand il faudra, 40 ans plus tard, tout convertir en micro-services par API unitaires, un concept venu d'internet donc des États-Unis, comme par hasard.
Comme vous dites… comme par hasard
La France était en pleine modernisation dans les années 1970. Plutôt que confier la gestion du réseau à un ministère, une entreprise sera constituée. Une entreprise, c'est jetable, donc aucun appel d'offre, et aucun remords si le projet ne marche pas, on enverra les salariés à l'ANPE.
La société Transpac, qui va exploiter le réseau industriel de téléinformatique du même nom, sera constitué en 1978. Mais très très vite, il apparaît que ce réseau ne sera jamais assez rentable tant qu'il ne sert que pour remonter les informations des directions régionales d'impots ou les transactions interbancaires.
Pour faire du volume, parce que Transpac était facturé à la durée de la communication et sa distance, comme pour le réseau téléphonique vocal, il fallait trouver un levier. Un levier visible, dans tous les foyers, et qu'on puisse nous aussi exposer dans nos sitcoms françaises.
Le levier sera de proposer un terminal pour le grand public, qu'il s'en serve, que du coup ce trafic créée de la facturation, et qui permette aux PTT, les Postes Télégraphes et Téléphones, de pouvoir enfin financer la fin des télégrammes.
Car le plan de licenciement des demoiselles colleuses de lettres dans le papier bleu ne peut se faire comme ça, bien sûr.
Ah oui, c'est vrai que les télégrammes étaient courant encore dans les années 1970.
Dans son pensum « L'informatisation de la société » que la légende dit qu'il a écrit en une nuit de 1978, le très brillant intellectuel Alain Minc écrira :
Le développement d'un réseau de transmission de données et la recherche d'un haut degré de normalisation sont l'épine dorsale d'une politique de communication. [Transpac] a pour objectif une diffusion plus large de l'informatique, un accès facile et peu coûteux, un accroissement des services rendus aux usagers ; il peut promouvoir une normalisation poussée. Son succès est nécessaire.
Alain Minc avait tout à fait raison : quitte à déployer une large infrastructure de communication, il fallait qu'elle serve, la France de 1974 ne peut se permettre de construire un réseau dispendieux sans succès. Il n'y a pas à dire, il fallait avoir son génie pour se rendre compte de l'évidence !
Attendez, vous parlez bien d'Alain Minc, l'avant-centre du club du Mans ?
Oui ! Et l'auteur de l'immense tube qui a fait chavirer bien des midinettes « L’après-crise est commencée ». Rappelez-vous comment son passage chez Drucker en première partie de Claude François a manqué de tourner à l'émeute.
Alain Minc, avant d'être footballeur et chanteur à succès était avant tout une tête bien faite qui n'hésitait pas à rappeler l'inoubliable ! Car l'évidence et lapalissade sont deux choses toujours bonnes à asséner avec le plus grand aplomb possible.
Il a formé 3 générations d'intervenants toutologues sur les plateaux télés, ne l'oublions pas.
Texte : Da Scritch
Interprété par DuSport et Monsieur X
Illustration : Le réseau Transpac en 1978, D.R.