Extrait de l'émission CPU release Ex0193 : Datamatrix, QR-code et autres damiers.
Voyant cette explosion des QR code au Japon et l'arrivée du mobile-tagging comme vecteur commercial, des entreprises technologiques ont tenté de proposer à l'international leur système de code-barre 2D purement propriétaire destiné spécifiquement au Grand Public. Le but étant d'occuper le terrain avant que des technologies libres de droit n'étouffent ces (ahem) solutions
payantes et fermées.
Entres autres, on y a évidemment retrouvé Microsoft.
Un de leurs ingénieurs, Gavin Jancke, a réfléchi à densifier encore plus le nombre d'informations possibles qu'un code-barres 2D. Il est tout simplement passé du noir et blanc à… la couleur. Le codage créé est le HCCB (High Capacity Color Barcode), dont le petit nom commercial est Microsoft Tag.
Acquérir des informations codées en fonction des couleurs n'est pas si évident : un procédé basé dessus fut testé à la fin des années 1960s par les chemins de fers américains pour trier les wagons et vérifier l'intégrité des trains. Ce système fut un échec à cause de son taux d'erreur de lecture.
En avoir un usage plus banal demandait des capteurs photos couleurs. Heureusement, les capteurs CCD se sont fortement banalisés, et étaient même un pré-requis par Microsoft pour les smartphones sous Windows. Mais il faut que ces couleurs puissent être différenciées malgré des sources d'images différentes. Le support vierge doit forcément être blanc, et les couleurs d'impressions pures
, c'est à dire que les points élémentaires doivent être en Jaune, Cyan, Magenta ou Noir sans aucune pollution. Ce qui introduit une contrainte de plus par rapport aux code-barres, Datamatrix et QR-code qui eux peuvent être composés de n'importe quelles couleurs, tant qu'il y a un contraste minimum et des teintes différentiables.
La technologie HCCB a été lancée en 2007, et selon la communication de l'époque, Microsoft Tag souhaitait s'installer à côté des code-barres comme une technologie d'appoint pour rediriger les clients vers des informations complémentaires. Les cas d'exemples proposés étaient des articles ou des publicités dans des magazines, ou encore des boîtiers de DVD de films, donnant accès à un mini-site complémentaire. De nos jours où les bonus vidéos des films sur Netflix et Amazon n'existent quasiment plus, on se marre.
Pour garantir aux entreprises que les Microsoft Tags ne soient pas détournés par des plaisantins, Microsoft a inclus la possibilité d'ajouter au message une signature numérique avec un certificat TLS standard, un peu comme pour un site web en HTTPS qui garanti le nom du créateur du message. Pas bête : on certifie l'auteur et l'intégrité du message dans le message. Une fonction reprise plus tard pour le 2D-Doc.
Un géant technologique, une assistance à l'installation, un écosystème complet qui va avec… et pourtant…
Plantage !
Les Microsoft Tag étaient prévus pour coder une URL qui était un raccourcisseur de lien géré par Microsoft. Ce qui veut dire que pour avoir un Microsoft Tag, il faut s'inscrire chez eux, et si la licence d'usage des Microsoft Tags ou du procédé HCCB a été annoncée comme gratuite au lancement, rien n'aurait interdit que Microsoft facture les usages après coup. En plus, on est à la fois lié à un serveur Microsoft pour l'indexation et la redirection, mais aussi à l'analyse du trafic web.
À une époque où Microsoft était ultra-arrogant, bloquant au maximum vers son éco-système privateur et très coûteux pour les entreprises, celles-ci n'ont pas été super emballées par une solution, qui, rappelons-le, tentait de prendre de court une autre qui elle était en licence libre, universelle et déjà éprouvée dans l'industrie.
Autre point sur lequel le Microsoft Tag se cassera les dents : son codage basé sur les couleurs additives de l'impression CMJK, soit jaune, cyan,magenta et noir, il est moins aisé à reconnaître sur un écran un peu grossier, ou encore très susceptible au délavement d'un support imprimé. Mais néanmoins, le logiciel de lecture pouvait lire sans trop de soucis un Microsoft Tag imprimé en monochrome.
Ce procédé a eu un mal fou à démarrer face au tsunami QR-Code, et surtout, il n'avait qu'un seul logiciel de lecture, celui fourni par Microsoft, certes gratuit mais qui n'était pas forcément disponible sur toutes les plateformes. Le service Microsoft Tag (le raccourcisseur l'URL) fut terminé par Microsoft en 2015, ScanBuy a néanmoins pris la suite dès 2013. Le format HCCB est toujours disponible, mais depuis 2013, je n'en ai pas vu d'usage récent.
Texte : Da Scritch
Illustration graphique : Par Canadaduane, sous licence BSD