Extrait de l'émission CPU release Ex0070 : Mini.
Bonjour à toi, Enfant du Futur Immédiat, toi qui aime les jouets de plus en plus gros, jusqu'au jour où tu préfèrera les avoir plus petit pour qu'ils tiennent dans ta poche.
Oui, j'ai ce reste de mes fantasmes d'enfance : j'aime bien les engins industriels, gros, costaud. Mais j'aime bien aussi les mêmes engins dans des dimensions réduites. Et après tout, entre le gros casque de studio qu'Anthony essaie présentement de garder sur sa tête malgré ses 730 grammes et les écouteurs intra-auriculaires de 6 grammes que Pia doit soutenir du bout du doigt pour les garder dans le conduit de l'oreille, les deux gizmos ont exactement la même fonction : faire entendre mes vieilles rengaines. Bigger is solid
et small is beautiful
… Deux visions de l'Évolution, avec une majuscule sous l'accent aigu, dont aujourd'hui, nous ne traiterons que de la seconde.
Tu es perdu par ma précédente phrase, elle mériterai d'être simplifiée, alors qu'en fait, non ! Le thème de cette release est compact
.
Note bien les faux-amis : ne confonds pas miniaturisation
et minimalisme
. Les deux termes ne sont pas synonymes ; les deux intentions peuvent même devenir contradictoires.
Il y a parfois des soucis d'impacts à réduire une taille en gardant les fonctions. Prends un microprocesseur (un CPU, quoi), réduire la finesse de gravure de ses pistes le rend certes plus rapide, plus économe en énergie, mais augmente sa sensibilité à sa température interne, et donc les possibilités de son auto-destruction… donc pour réduire un composant intégré, il faut aussi réduire le voltage de fonctionnement, ce qui le rend plus sensible aux perturbations électriques extérieures.
Mais réduire la taille d'un appareil peut non seulement réduire son usage pratique, mais même impacter sa fonctionnalité. Tiens, je te parle d'un truc que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître : les caméras vidéos familiales.
Jusqu'au début des années 1980s, ces engins étaient lourds. Tu tenais au poing l'optique et le capteur dans un bloc, en bandoulière, tu te trimbalais le magnétoscope et tu avais une impressionnante ceinture de batteries. Si si, y'a des gens fortunés qui achetaient un tel bazar pour filmer les premiers pas du petit dernier !
Puis, dans les années 1980s arrivèrent de l'audacieux Japon, les premiers camescopes monoblocs, ou l'ensemble était suffisamment compact pour tenir dans un gros engin qu'on portait posé sur son épaule.
Et moins d'une décennie après, ces engins devenaient suffisamment réduits pour être tenu avec une main, puis pour tenir dans la main.
Enfant du Futur Immédiat, je dois te faire une confidence : entre autres crimes de guerre, je dois confesser une certaine tremblotte. Ce n'est pas un secret pour mon entourage, confie-moi un gobelet en plastique rempli à ras-bord et la moquette va être trempée…
De fait, j'ai jamais pu m'y faire aux camescopes de poings. Alors que la caméra qui se reposait sur mon épaule avait un deuxième point d'appui, donc plus de stabilité, et une inertie avec ça. Oui, ces engins pesaient presque une dizaine de kilos… À comparer avec les caméras actuelles à peine plus grosses qu'une banane et pesant le poids d'un gobelet d'eau… et je ne te parle pas du smartphone dont les vidéos seraient difficilement lisibles si on n'avait pas inventé le stabilisateur d'image.
Résultat des courses de ma tremblotte force 9 : quand je partais en reportage pour une chaîne TV, le monteur me refilait une caméra un poil plus ancienne que mes collègues, plus grosse, afin d'avoir des images stables. C'était ça ou il vomissait sur son banc de montage en visionnant mes rushes.
(véridique ! Anthony, Fred, Thomas, Olivier, les autres, si vous m'écoutez…)
Eh oui, voici la vraie raison pour laquelle les équipes de reportages TV ont encore des caméras d'épaules plutôt que des smartphones. Pourtant, c'était pas forcément mieux avant : les caméras vidéo ont gagné en résolution d'image, en perception par faible luminosité, en autonomie de batterie, en durée d'enregistrement… D'ailleurs, la caméra d'épaule des années 1980s avait en guise de viseur une mini télé cathodique en noir & blanc nichée dans l'œilleton. Le genre de pièce que t'avais une peur bleue de casser au moindre choc. Maintenant, si nous tournons un documentaire dans une grande usine, pour te faire un beau plan large, on prend un drone qu'on pilote au smartphone, sur lequel on a un retour vidéo en couleurs et en HD.
Justement, reprenons notre smartphone :
(NOTE : Émission enregistrée avant le scandale Apple sur le bridage du processeur des iPhones en fonction de l'âge de la batterie)
Il y a 10 ans, tous les téléphones portables avaient une batterie remplaçable. Tu pouvais facilement la remplacer si elle avait un problème ou si t'en avais besoin d'une plus performante. Sauf que les constructeur furent pris d'une obsessionnelle réduction de taille, à amincir nos smartphones, à économiser 2 mm de hauteur et à condamner l'accès à ses entrailles pour le rendre étanche… Ben la vie du smartphone est intimement liée à sa batterie, irremplaçable. En tête de cette course, Apple qui en a fait la plaie de ses Mac portables : on est passé du disque dur au SSD, et ce dernier est désormais directement soudé sur la carte mère. Ce qui veut dire que tu ne peux plus le changer. Officiellement pour gagner quelques millimètres, officieusement, pour te faire payer au prix du caviar et tuer dans l'œuf le marché des pièces détachées. Ben oui, le giga[-octet] de SSD vendu par Apple vaut bien 5 fois le prix que celui vendu par son fournisseur Samsung. Alors que c'est le même matos !
Enfant du Futur Immédiat, nos gizmos favoris deviennent de plus en plus compact, car moins de volume demande moins de matière première, coûte moins cher à produire, à transporter et surtout produit moins de pollution au final.
Mais entre nous, le prétexte est petit petit.
[Le texte complet est disponible sur le site de son auteur]
Auteur : DaScritch
Photo : Microscope par kkolosov, CC0, détail