Extrait de l'émission CPU release Ex0131 : Libérer son smartphone.
Bonjour à toi, Enfant du Futur Immédiat, toi qui fait la moue devant l'application que tu vas lancer sur ton smartphone.
Et à raison ! D'abord, as-tu réellement besoin d'une application native pour, par exemple, consulter ton dossier médical ? Et puis, es-tu sûr d'avoir l'application portée pour ton Sagemphone avec son système d'exploitation souverain ? Un site web n'était pas plus simple et surtout moins cher à développer ?
2007, Steve Jobs, que certains appelaient dévotement Dieu
dès son vivant, présenta l'iPhone, que certains appelaient dévotement Jesus-phone
. Lors de sa keynote, il eu un moto à la bouche : HTML5, no app
.
Car oui, à l'époque, il existait déjà des smartphones sauf que de nos jours quasi tout le monde les a oubliés. Sauf nous, parce qu'entre autres Crimes contre l'Humanité, on maintient bien des dossiers compromettants. Donc oui, en 2006 des smartphones Sony-Ericsson, Nokia, les palmOS et Windows Mobile… avaient des magasins d'application où l'on pouvait acheter des applications natives. Mais le chemin d'achat était hyper-compliqué, car les opérateurs mobiles exigeaient pouvoir prélever une dime sur chacune des ventes, sinon le téléphone n'était pas autorisé sur leur réseau mobile. Et d'ailleurs, ces opérateurs imposaient aussi que dans leurs boutiques, les téléphones soient à leur thème graphique avec des applications spécifiques à l'opérateur, souvent inutiles, mal conçues et impossible à désinstaller.
Donc en janvier 2007, Steve Jobs fit l’annonciation que son JésusPhone restera immaculé dans sa conception. Avec des applications déjà installées d'entrée, dont on ne sait ce qu'elles firent avec les données de l'utilisateur.
Puis lors de la première mise à jour majeure 18 mois plus tard, Steve Jobs ouvrit le magasin d'application pour son iPhone. Ouais, HTML5 ? Oh, vous pouvez toujours, mais le natif a des icônes et permet d'accéder à plein de données. Ce qui poussa à créer des applications plutôt que des sites webs fonctionnels et agnostiques.
Forcément, cela devenait plus difficile de convaincre les zélotes de l'Église d'Apple qu'il existe d'autres paroisses…
Alors au début, le magasin des apps pour iPhone était… très compliqué, et les opérateurs mobiles n'ont rien vu venir. Les andoui les naïfs. Le smartphone de Saint Jobs a été tellement demandé, que les opérateurs mobiles ne purent s'opposer à ce store dont la mâne leur échappe. Ils n'arrivaient même pas à imposer leurs applications pré-chargées, ni leurs thèmes graphiques, ce qui était l'échange standard contre la distribution en magasins et au pré-financement de l'achat par le consommateur.
Lors du même été 2008, Google lançait Android 1.0, le dotant d'entrée d'un magasin d'application. Mais sur la multitude de fabricants, certains voulaient imposer aussi leurs propres solutions
comme Sony ou Samsung, et les opérateurs mobiles qui les distribuaient voulaient aussi avoir leur surcouche. Comme avant l'iPhone. Mais le magasin d'application est plus facile d'usage. Les applications préinstallées toujours aussi difficiles à supprimer..
Enfant du Futur Immédiat, nous reprochons aux smartphones d'être comme des ordinateurs, mais sans la liberté d'installer dessus ce que l'ont veut. Rien ne t'interdit d'acheter un MacBook de chez Apple, et de remplacer macOS par un Windows ou un Linux. Pour l'instant… Mais va faire ça avec un iPhone.
Sur Android, la situation est à peine meilleure : le marché y est très fragmenté, et si certains constructeurs autorisent l'installation de systèmes d'exploitations tiers, d'autres on tellement cadenassé la machine qu'il est impossible d'en retirer les programmes que le constructeur a décidé qu'ils t'étaient indispensable.
Pourtant, tu en es supposé être le propriétaire ! Tu devrais avoir le droit d'installer ou désinstaller le logiciel que tu as envie.
On est pas loin d'un problème de réparabilité dont on avait parlé : celui qui a opposé nombre d'agriculteurs avec le fabricant de tracteur John Deere.
Et que dit la loi ? Après tout, l'Europe a bien réussi à empêcher Microsoft de bloquer toute installation de système tiers sur PC, non ? Ben pour les smartphones, pour l'instant… Rien.
La seule obligation, toute récente, s'applique aux smartphones Android, comme quoi Google doit proposer un choix vers d'autres moteurs de recherche, un peu comme le ballot-screen pour contrer le monopole d'Internet Explorer.
Et encore ! Google l'a contourné à sa manière en facturant à ses concurrents l'inscription dans la liste présentée.
Pas très fair-play.
Et oui, Apple c'est pire car ils profitent juridiquement que l'OS et le smartphone soient fournis par la même boite.
Enfant du Futur Immédiat, on espère ne plus t'offrir une prison la prochaine fois qu'on t'achète un téléphone mobile, mais un vrai ordinateur dont tu seras réellement propriétaire. En attendant, tu transpireras du front comme nous tous pour installer un OS alternatif.
Texte : Da Scritch
Illustration : I think my phone is spying on me, CC-By-SA ShellyS