Extrait de l'émission CPU release Ex0137 : Ingénieur du son.
Bonjour à toi, Enfant du Futur Immédiat, toi qui ré-écoute pour la 114ème fois le CD « Le Beau Danube Bleu » que ton tonton t'a offert. Oui, le logo sur le côté, c'est que je l'ai acheté avec mes points Esso collection en 2001. Peut-être le seul CD de musique classique en ma possession, avec « Tableaux dans une exposition » de Moussorgski.
Nous te parlons toujours d'écouter une radio quand on est audiophile, donc avec une restitution la plus parfaite possible. Et dans les précédents épisodes, on s'était posé la question des dimensions du son, des limites de l'oreille humaine, mais aussi des déformations faites à la matière du son de part sa captation et les traitements effectués à son enregistrement.
Avant de partir vers les codecs du son, j'aimerais parler d'un métier qui est très intéressant, car il est entre la technique et l'artistique : celui de l'ingénieur du son.
Alors, pour ta tutelle, c'est pas parce que je réalise depuis plus de 25 ans pour Radio <FMR> et que je mixe les émissions de CPU que je suis un ingénieur du son. Non, ingénieur du son est un métier qui demande beaucoup de bouteilles. Plein plein plein, et pas que pour les soirées de festival rock, d'ailleurs tu seras gentil de ne plus poser ton gobelet sur la régie de concert.
Ingénieur du son est un métier qui demande aussi un matériel conséquent, et de savoir s'en servir. Parce que si une table de mixage 48 pistes Neve, ça a de la gueule et c'est très imposant (on m'en a même proposé une parfaitement fonctionnelle à un prix ridicule à une époque, mais comme elle était plus grande que mon lit, j'avais pas osé la récupérer sinon, il fallait que je dorme dessous), dis-toi qu'en plus, il faut savoir quel micro utiliser et où le positionner, et bien évidemment régler tous les éléments, de l'ampli de chaque micro, au compresseur en passant par le filtre à particules imbrûlées.
Enfant du Futur Immédiat, y'a longtemps, j'ai eu la chance d'interviewer Frédéric Jannin, dessinateur de bande-dessinées et ex-Snul pour Canal + Belgique, et il tâte en studio son depuis longtemps. Jannin m'a raconté l'origine du running gag de sa BD « Germain et nous » : un joueur de flûte traversière dans le même groupe de rock que l'excité de l'ampli Marshall réglé sur 11 ; il m'a avoué que c'était du vécu, celui de ses propres week-ends… Et qu'il en a souffert au mixage pour rattraper tout ça.
Eh ben dis-toi qu'en musique classique, il faut savoir se retrousser les manches, et que la captation y est bien plus costaud que celle d'un ragga avec un rasta qui fume des yeux.
De part l'immense gamme tonale et les dynamiques dont sont capable chaque instruments, la captation d'un orchestre symphonique exige à la fois talent et équipement. Avec en plus le fait que l'ingénieur du son doit composer non seulement avec les musiciens, mais surtout avec le chef d'orchestre, car à partir d'une certaine taille, les ensembles disposent en général d'un management à la baguette. Mais cette discipline demande aussi une éducation musicale à la fois théorique mais surtout physique : apprendre à son oreille et à son cerveau, et surtout connaître leurs biais, ce qu'ils croient entendre..
Il y a 10 ans, l'humoriste britannique Bill Bailey a joué un spectacle unique, « A remarkable guide to the orchestra ». Il y fait jouer au prestigieux BBC Concert Orchestra une pièce baroque, sauf à un instrument, le basson. Même en connaissant le gag, même en ayant écouté 20 fois le DVD, même avec une très bonne chaîne Hi-Fi et un casque audio de précision, crois-moi qu'il n'est vraiment pas évident de retrouver le basson dans l'orchestre complet avant plusieurs essais.
Alors certes, rien ne vaut la musique en live… mais un orchestre, c'est grand,… il faut de la place,… cela coûte cher,… et tu auras des difficultés techniques à faire jouer à 2 h du matin une sonate au clair de lune.
Enfant du Futur Immédiat, l'enregistrement de musique classique est non seulement une question de répertoire historique et de prestige, mais aussi de performance technique pour les fabricants de matériels audiovisuels. La qualité de restitution a souvent été démontrée via des enregistrements du répertoire savant, et la fidélité avec le chien Nipper retrouvant la Voix de son Maître.
Texte : Da Scritch
Photo : Une soirée avec Mozart CC-By-NC-SA MaPige, détail