Extrait de l'émission CPU release Ex0143 : Le son laser.
Bonjour à toi, Enfant du Futur Immédiat, toi qui te repasses pour la 127ème fois ce disque qui t'hypnotise.
Puisqu'on va bientôt parler de codecs de compression audio, j'aimerais t'emmener d'abord vers le support audionumérique par excellence, qui a presque disparu avec la dématérialisation de la musique. Presque
, car on retrouve des traces un peu partout de son passage dans nos salons et nos drivers audio. Et avant de regarder ledit CD sous toutes ses facettes, je te présente : le disque vinyle !
Il m'en a fait suer, le bougre… À cause de ma tremblotte, j'ai toujours eu une peur bleue de poser un diamant sur un microsillon, de peur de l'abîmer. Quand je suis devenu réalisateur radio, je me suis limité au CD et à la cassette, mais j'ai toujours été fasciné par mes amis DJ et leurs tours de passe-passe durant leurs séances de turnabilism.
Le vinyle fut le premier support de diffusion démocratique pour la musique enregistrée. Tu poses la tête du bras lecteur sur le microsillon du côté extérieur du disque, la spirale l'entraîne vers l'intérieur en faisant osciller le saphir de la tête de lecture, lequel amplifie les micro-anfractuosités en oscillations sonores.
Avant les premiers disques, les premiers enregistrements audio mécaniques furent des cylindres de cire. Ceux-ci se sont montrés peu pratiques, très fragiles et surtout pas simple à reproduire. Alors qu'il suffit d'une bête presse hydraulique pour façonner un disque et graver à la fois les 180 grammes de vinyle chaud. On peut même en profiter pour graver en creux les inscriptions du label.
Ceci dit, Enfant du Futur Immédiat, le disque microsillon a des limites physiques, dont la distance entre chaque spire, ce qui a donné naissance à la technologie de compression de la dynamique, et j'en ai déjà parlé à ce micro. Mais certains amateurs audiophiles ne jurent que par le vinyle, arguant que son son a une certaine chaleur
comparé au numérique… C'est pas faux : le son restitué est impur et a donc une patine, laquelle plaît par un effet de nostalgie, donnant une certaine langueur au groove.
Mais revenons à nos sillons.
Il y a deux tailles principales de disques microsillon :
- Il y a le format 17,5 cm de diamètre (ou 7 pouces), avec un grand trou central, qui tourne en général à 45 tours/minutes, et peut durer 5 minutes, mais le format
single
de l'industrie musicale fut dicté par les radios commerciales qui n'acceptaient que des chansons de moins de 4 minutes. - Et il y a le format 30 cm de diamètre (ou 12 pouces) avec un petit trou central, tournant en général à 33 tours/minutes, durant une vingtaine de minutes et qui a créé le format album et le concept même d'album et d'album-concept (joke).
Ce qui a fait du format 30 cm une icône de l'histoire musicale est aussi symbolisé par ses pochettes spectaculaires, graphiquement somptueuses, voire carrément des livres d'images comme les livres-disques Disney. Et je pense que ce n'est pas que la nostalgie qui anime le retour actuel du vinyle dans les bacs, mais la somptuosité de l'objet qui prolonge le voyage dans l'album outre l'écoute puisque tu l'as encadré dans ton salon.
Je disais qu'un 30 cm tourne en général à 33 tours/minutes
, en général
car en 1974, le DJ Tom Moulton bricolait ses propres versions longues des tubes qu'il passait en discothèque pour qu'ils durent bien plus que 4 minutes, inventant le extended club remix
.
Faute d'un disque vierge plus petit sous la main, son ingénieur du son José Rodríguez va graver un de ses remix sur un disque 30 cm, ce qui lui laisse plus d'espace entre les spires pour donner plus d'amplitude dans le microsillon, donc bien plus de dynamique et de profondeur dans le son que les 45 tours du commerce. Ainsi fut créé le format maxi-single, ou encore EP (extended play) qui a tant fait suer les dancefloors.
On a aussi eu des gravures bizarres, par exemple qui partaient du centre vers le bord, qu'en cercle fermés (pour les bruitages ou pour scratcher dans le hip-hop), ou encore avec plusieurs spirales entrelacées, qui fait qu'on est jamais sûr d'avoir la bonne chanson qu'on veut écouter en posant la tête de lecture. Des cercles vicieux concentriques.
Enfant du Futur Immédiat, on en parle avec une lueur dans les oreilles, mais le disque microsillon est un support fragile : il est sujet aux scratches dus aux mauvaises manipulations, aux déformations à cause de la chaleur, et au dépôt de poussière qui font craquer le son. Et dans ce dernier cas, pour nettoyer un vinyle, il existe différentes méthodes, dont la plus spectaculaire et effrayante, mais parait-il la plus efficace, est d'y répandre de la colle à bois, la laisser sécher et retirer la pellicule formée avec une force maîtrisée. brrrr....
Méthode qui n'est pas du tout applicable par exemple pour les disques en acétate, les test-press qui ne peuvent tenir qu'une vingtaine de lectures avant d'être trop abîmés.
Afin de leur donner une nouvelle vie, des ingénieurs ont créé à la fin des années 1980 un dispositif avec un laser en guise de tête de lecture, un appareil très haut de gamme et extrêmement cher. Mais le microsillon restant limité par sa bande passante et son rapport signal/bruit, il n'égalera jamais en fidélité de restitution les supports plus modernes.
J'en aurais beaucoup à dire sur le disque vinyle : par exemple sur les techniques des DJ, et notamment le logiciel FinalScratch de Stanton qui a fortement contribué au kernel Linux… mais il me faudrait une émission complète et on s'éloigne du sujet.
Enfant du Futur Immédiat, tu dois te dire que la technologie sonore est passée directement du bon vinyle au CD… Eh ben non ! Je t'emmène faire un crochet… via la vidéo.
Seul le texte est en licence Creative Commons, le sonore est © Radio <FMR>.
Texte : Da Scritch.
Illustrations sonores : Vinyl_record_needle_static_01 CC joedeshon ; Pizzicato Five - Love's Theme (Saint Étienne mix) ; Kid Koala - Skanky Panky Jce ; jingle de changement de page de livre-disque Disney ; Al Downing - I´ll Be Holding On (Tom Moulton extended mix) ; Patrick Duteil et F. Montabord - générique de l'émission H.I.P -H.O.P
Photo : CC0 Public Domain non crédité, via pxhere, détail
Pour ceux qui cherchent, Vicious Circle est (entres autres) un magasin de disques toulousain, qui a toujours été proche de Radio <FMR>.