Extrait de l'émission CPU release Ex0159 : Légendes confidentielles du minitel, première partie.
Les pages minitel avaient de la mise en forme. Bon, moi j'ai connu les niveaux de gris alors que vous me dites qu'on pouvait l'avoir en couleurs. Mais on pouvait faire clignoter le texte, mettre du graphisme… Comment on s'y prenait ?
Il y avait dans le terminal un jeu de caractères symboliques pas trop restreint et trainaît déjà dans les clubs informatiques des petits génies de l'ASCII Art. En fait, en 1948, la revue Popular Mechanics s'extasiait déjà des œuvres d'art graphiques que de patients créateurs pouvaient produire avec une simple machine à écrire. La génération de vos parents n'ont pas attendus les emoji
pour s'envoyer des binettes avec quelques caractères.
Le minitel, comme bien d'autres terminaux évolués de l'époque, disposait de commandes graphiques qu'on appelait code d'échappement
.
Le code était minimaliste : le code de la touche Échap (27 en décimal) signalait que le caractère suivant donne une information de mise en forme : du @ (a commercial
ou arobase
comme disent les jeunes) au G pour la couleur, du P au W pour la couleur de fond, le H pour faire clignoter, du L au O pour la taille du caractère.
Ça, c'était pour les caractères alphanumériques normaux. On disposait aussi un jeu de caractère secondaire, activable via le code Ctrl+N, pour passer en graphisme mosaïque, et on revient avec Ctrl+O.
Chaque caractère était transformé en mosaïque de 2 par 3 pixels. Il fallait de la patience pour trouver le bon caractère sur les 64 possibles.
Ah oui… Et à l'époque on n'avait pas de logiciel de dessin ou de composition graphique, je suppose qu'il fallait de la patience, de l'astuce et beaucoup d'imagination.
Parfaitement !
Vous connaissez donc la théorie du code de mise en forme, appelé STUM
(Spécifications Techniques d'Utilisation du Minitel
). De nos jours, ces informations se trouvent facilement. Car évidemment, à l'époque, les P&T faisaient leur beurre à vendre au professionnels de la programmation l'épais guide de développement.
Je ne vais pas détailler le STUM dans le détail, car énumérer des codes vidéotextes à la radio est un exercice assez… rugueux. Un détail que des initiés avaient repéré est intéressant : chaque fabricant de Minitel avait sa petite variante à lui, son petit ajout personnel par coquetterie, ce qui permettait de pouvoir détecter le fabriquant du minitel.
Dans les caractéristiques moins connues, chaque minitel disposait d'une mémoire de 16 caractères pour que les sites puissent identifier les utilisateurs. Une capacité amplement suffisante pour l'identifiant Canal+ ou le numéro de carte bleue. Une fonctionnalité très utile pour les services commerciaux, car le minitel avait inventé le cookie bien avant que le web n'y songe !
Ah ? j'en avais jamais entendu parlé !
Et vous n'êtes pas le seul.
Parce que la CNIL, qui était noyautée par des esprits très technophobes, s'opposait vigoureusement au fichage des citoyens. Je rappelle qu'à l'époque, elle avait la prétention de vouloir régulier les fichiers de Police et de Gendarmerie. Heureusement que Nicolas Sarkzoy a fortement raboté cette officine. En attendant, le minitel a eu cette fonction interdite… et le brevet fut cédé à vil prix aux puissances américaines, une fois de plus. Le cookie devint partie prenante du web en 1994, encore une arme retournée par internet contre le minitel.
Texte : Da Scritch
Interprété par DuSport et Monsieur X
Photo : Test d'affichage de carte météo de Bretagne, 1980, via l'article DaDa, le Minitel ? Bien involontairement, oui !, D.R.