Extrait de l'émission CPU release Ex0160 : Légendes confidentielles du minitel, deuxième partie.
Donc, en 1983, l'année juste avant le lancement public sur tout le territoire métropolitain, les décideurs mettaient en chantier une version corrigée ?
Exactement, la norme du Minitel 1b
, alias STUM 1b, fut très vite mis en travaux. Les réunions commencèrent dans l'euphorie du lancement, et les copies corrigées envoyées quelques moins plus tard chez les fabricants : Radiotechnique, Matra, Alcatel, Thomson, Philips Telic, Dassault et Renault.
Renault ? Des minitels ?
Oui, les Renault Espace série spéciale Radiocom 2000 + Minitel. Il y en a eu que 10 de vendues, elle ont toutes été très vites accidentées car utiliser le télépéage par minitel était très périlleux à 130 km/h.
Bon, j'en reviens à cette version corrigée, sortie en 1985. Prenons le plus visible, le clavier :
Notamment, la présence de la touche Shift en haut à droite se montrait trop peu pratique et incongrue sur les premiers modèles. Il fut décidé de suivre la disposition des machines à écrire et de la mettre de chaque côté de la barre d'espace.
De même furent ajoutés des touches issues de l'informatique, comme les flèches dans les 4 directions orthogonales, la touche Échap, la touche Contrôle, une vraie touche ⮐ Entrée et même une touche Fonction (que l'on pourrait comparer à Alt). Même si ces touches n'étaient absolument pas utilisées par le grand public, car elle n'étaient absolument pas gérées par les services existants, elles permettaient de rendre le terminal plus proche des ordinateurs, donc plus sexy pour les cadres supérieurs et les acheteurs étrangers.
Ça devait être un peu compliqué à expliquer à un non-francophone, les touches du Minitel 1 qui étaient marquées en Français et sans aucun symbole visuel.
Eh oui.
D'ailleurs, vous remarquerez que toutes ces nouvelles touches du 1b sont sérigraphiées en anglais ! Esc pour Escape et non Échappement, Ctrl et Fnct maintiennent l'ambiguïté en ne mettant pas les voyelles, sous prétexte du manque de place pour la sérigraphie… La Commission de Terminologie et de Néologie, chargée de la francisation à marche forcée des mots informatiques s'en est étranglée devant le fait accompli, d'ailleurs.
Mais trop tard pour eux d'y mettre leur touche à cette… French Touch.
Ces ajouts de touches, c'était donc que… du décor, juste pour la parade…
Alors, détrompez-vous, elles permettaient d'avoir accès à des fonctions réellement avancées, que je vais vous dévoiler. Prenez des notes, et munissez vous des codes STUM1b, ils vont vous servir.
Prenons ce minitel de génération 1b ou ultérieure. On note que les nouvelles touches sont surtout des touches modifiantes plus que fonctionnelles.
Et pourtant, regardez cette touche : La touche Fnct permettait d'activer les modes avancés.
Comme la combinaison de Fnct+M puis R qui renversait le modem, le passant en 75/1200. On le voit au f
minuscule en haut à droite.
Ou, nettement plus rusé, la combinaison Fnct+C puis E, suivi d'un Ctrl+Q, qui faisait apparaître un curseur en mode déconnecté et, de là, l'utilisateur très avancé avait accès à l'ensemble des fonctions de composition graphique avec la touche Échap ou Ctrl, qu'il pouvait enregistrer s'il avait branché un ordinateur sur la prise série. Des générations d'infographistes se sont lancées grâce à ce mode d'édition, quand ils connaissaient les combinaisons de touches à base de Échap plus lettre de la norme STUM. Mais ce mode restait une ardoise magique en hors-connexion car très peu géré par les services kiosques.
Faut aimer faire du graphisme comme ça…
Eh oui, c'est un Art qui se perd, hélas.
Essayez le mode semi-graphique avec Ctrl+N, il va vous occuper de looooongues soirées.
Un autre mode, qui avait un usage tout aussi puissant et beaucoup plus utile pour les professionnels était le mode en 80 colonnes d'émulation du terminal VT52 avec les combinaisons Fnct+T puis A ou Fnct+T puis F.
Le VT52 est un terminal très répandu, du constructeur américain DEC. A
voulait dire qu'on le souhaitait configuré en mode américain ASCII, le mode F
était pour les lettres accentuées françaises et le symbole £
de la Livre Sterling. Évidemment, le fabriquant original ne connaissait pas le STUM, donc ce mode émulé ne comprend que les codes d'échappement du standard américain ANSI, qui sont bien moins concises que celle de notre STUM national.
Ce mode en 80 colonnes permettait de dialoguer à de puissants serveurs Unix comme ceux des américains ou de notre fabricant souverain Bull. On parle d'informatique industrielle, il y avait donc une volonté d'ouverture apparente de la technosphère française vers les entreprises internationales…
Mais entre nous, je reste persuadé qu'il y a eu une tentative de couper l'herbe sous le pied des fabricants de terminaux comme DEC, Burroughs, Wyse et d'autres. Si on ne pouvait concurrencer IBM sur les super-ordinateurs, on espérait bien leur faucher une partie du marché des terminaux. D'où le nom du Minitel 1b : b
pour… bi-standard
. Une concession officielle qu'il fallait aussi compter sur l'industrie informatique Américaine en plus de la Française.
Aaah d'accord ! Ah oui.. soit l'informatique souveraine faisait une concession, soit il apprenait à mûrir.
Ou plus simplement que 40 colonnes pour un tableur était vraiment très étroit.
Autre chose, si le minitel était un terminal, je vous avait bien dit que l'intérieur était en fait un vrai micro-ordinateur. On y trouvait même une prise interne pour carte d'extension.
Le Minitel 1b était une évolution purement technologique ?
Non, il fallait aussi accorder le minitel à la mode de la consommation, voire aux attente des utilisateurs haut de gamme, les CSP+
, dans l'idée de non plus leur louer gratuitement les terminaux, mais de leur vendre au prix fort, nantis de fonctionnalités avancées.
Il est vrai que les premiers minitel de série… avaient une livrée grise, des écrans très ronds inclinés à 45 °, ce qui leur donnaient une mine… très tristounette.
Après des recherches avec des formes très fantaisistes, la forme monobloc revue partait d'un cube plus franc mais néanmoins légèrement arrondie sur les angles, dont une des faces serait l'écran. L'arrière du cube est biseauté, la face du dessus creusé pour servir de poignée, ce qui le rendait aussi transportable qu'un combiné téléphonique et pour y insérer des accessoires. Cette forme avait un design génial, reconnaissez-le.
D'ailleurs, la société américaine Apple s'en inspirera ouvertement pour son premier Macintosh, un détail flagrant qui ne laisse aucun doute quand on sait le nombre de français qui travaillaient à l'époque dans la Silicon Valley. Avec moins de génie car Apple n'a pas réussi à incorporer le clavier et la souris dans le bloc.
La couleur de la robe du minitel de référence fut changée en marron/beige allemand pour la génération 1b, bien plus chaleureuse. Une couleur très tendance, très… chébran
: à cette époque, les grandes voitures familiales américaines avaient des décalcomanies en imitation bois sur leur carrosserie, et les téléviseurs avaient un boîtier sérigraphiée là aussi dans une imitation bois.
Texte : Da Scritch
Interprété par DuSport et Monsieur X
Photo : Minitel 1b en vente sur eBay, D.R