Extrait de l'émission CPU release Ex0160 : Légendes confidentielles du minitel, deuxième partie.
Sur ces dossiers secrets… parlons un peu de… hum ! hum !… vous savez quoi…
Euh non, je ne vois pas…
Oui, euhhh, ce que les jeunes de moins de 18 ans ne sont pas censé voir.
Ah oui, ça !
Alors il faut revenir aux expériences de Vélizi en 1980 et celle de Strasbourg en 1981. Une des fonctions les plus prisées était la messagerie électronique.
On pouvait rédiger des messages pour d'autres abonnés au service, et qui allaient jusqu'à 8 lignes de 40 caractères. Ce qui en 1980 était spectaculaire : pour bien moins cher qu'un télégramme, bien moins bruyant et encombrant qu'un télex, et si votre correspondant était lui aussi connecté, il le recevait et pouvait répondre instantanément.
Et de quoi on y causait ?
Oh, je suppose qu'à l'époque, on parlait des prochaines réunions du groupe municipal UDF, ou encore des matches de football, ou des nuisances sonores causées par la discothèque.
D'ailleurs, au lancement national du service kiosque, les messageries firent florès, et de plus en plus pointues. On en vit pour consulter des spécialistes comme des consultants en dressage de table à la française ou des astrologues patentés, d'autres avaient des thématiques régionales, d'autres musicales.
Un peu tout était permis, surtout qu'au tout début, il n'y avait pas vraiment de modération des messages privés, puisque protégés par l'article L 33-1 du CPCE, le Code des postes et des communications électronique de 1952 qui garantissait la confidentialité des échanges personnels, et donc du secret de la correspondance. Il n'y avait que de l'animation de service, histoire que l'utilisateur qui arrive sur le site minitel ne se sente pas seul. Et d'ailleurs, très vite furent programmés les premiers robots de dialogue, qui ne servaient qu'à lancer les deux premières phrases avant de relayer à un pupitreur humain. C'était facile : Salut toi ! ASV (Âge Sexe Ville) ?
et qu'importe la réponse, il envoyait ensuite Comment ça va
, et la réponse est alors traitée par un employé.
Comme le disait l'adage sur minitel, personne ne sait que vous êtes un chien
. Impossible de s'assurer que votre astrologue avait bien un Diplôme Universitaire Français dans sa spécialité.
Et très vite, à certaines adresses, des hommes et des femmes s'amusaient à s'échanger des mots doux, pimentés, en donnant libre court à leur fantasmes sans grandes conséquences…
Bizarrement, ce sont ces messageries instantanées friponnes qui ont le mieux marché. Malgré les réticences d'une partie de la classe dirigeante, cette industrie ne fut pas bridée, car elle fournissait un alibi familialement valable pour s'équiper en minitel, on n'allait pas freiner le Grand Dessein de l'État Français.
Et ainsi donc 36 15 Ulla, 36 15 Aline, 36 15 Apollon, et 36 15 SM.
D'ailleurs, vous savez ce que veut dire SM
?
À cette heure-ci, j'ai mes gosses qui écoutent donc non, je ne le dirais pas.
Eh ben 36 15 SM voulait dire Serveur Médical
, un service de téléconsultation entre médecins et patients, voire de dialogues entre médecins pour discuter de cas particuliers.
Sauf que très vite, des clients pervers à l'esprit mal tourné en firent un service de rencontre pour vicieux sexuels.
Devant le succès de cet usage, et les incroyables bénéfices qu'il en récoltait, le propriétaire du service pivota
de la prestation d'information médicales à celle de discussions entre fantasmes d'infirmières et de riches soumis complètement malades. Son créateur lui-même adorait jouer au docteur… Il a vite déménagé l'ordinateur sous Unix qui gérait son service de la cave de son immeuble du XIVème arrondissement qu'il l'a transformé en donjon… très convivial.
Oui, alors excusez-moi, mais on va jeter un voile pudique sur ces réunions entre adultes consentants.
Texte : Da Scritch
Interprété par DuSport et Monsieur X
Photo : Minitel 1 peint en rose avec un autocollant We stream porn
du Tetalab avec la page de garde du 36 15 Ulla, exposé par The Dead Minitel Orchestra au Graffiti Research Lab France, D.R.