Extrait de l'émission CPU release Ex0178 : Occitel, fabriqué à Toulouse.
Bonjour à toi, Enfant du Futur Immédiat, toi qui regarde ce truc d'ancêtre tellement minimaliste qu'on dirait une installation d'art rétromoderne abstraite.
Après un morpion auquel le film Wargames fit hommage 20 ans plus tard, le tout premier jeu vidéo à graphismes fut sur écran vectoriel : Spacewars. On est en 1962 et il faut un PDP-1, un immense et coûteux ordinateur plus un terminal vectoriel non-inclus dans le package pour y jouer, donc inutile de te dire qu'il était un objet de curiosité pour universités richement dotées.
10 années plus tard, Nolan Bushnell l'adapta avec un copain en première borne d'arcade vidéo sous le nom de Computer Space, un exploit réussi grâce aux progrès de la miniaturisation et contre-intuitivement en se passant justement de l'ordinateur dans le titre. Sa borne est basée sur des logiques discrètes, et pas encore sur un microprocesseur programmable.
Attends, je la refais car tu l'as peut être pas comprise : y'a pas de programme dedans, pas une seule ligne de code, rien, même pas en langage assembleur : tout le jeu est conçu par le circuit électronique qui est incapable de faire tourner une autre application. Tout est en dur dedans. Et pourtant cela ressemble à de l'informatique car on a des boutons contrôleurs, y'a de la logique, y'a des compteurs, une gestion d'états et d'erreurs, on a un écran qui affiche des chiffres, un décor, des sprites… cette borne a de l'électronique mais n'a rien d'informatique.
Tu débugais le jeu au multimètre et au fer à souder. À l'oscilloscope si t'étais riche.
Et pour cause ! On est en 1971, Intel ne sortira son 4004, le premier microprocesseur intégré, que quelques mois plus tard. Une équipe concurrente à Nolan Bushnell s'était essayée au même moment à faire une borne d'arcade vidéo avec un ordinateur derrière ; les coûts étaient totalement rédhibitoires, leur engin coûtant environ 30 fois plus cher que l'ingénieuse conception de Nolan Bushnell. Même pas envisageable de l'installer dans une galerie marchande, encore moins dans un bar.
En 1972, désormais sous le nom d'Atari, l'équipe de Bushnell sort une deuxième borne d'arcade : Pong. L'adaptation en arcade d'un autre jeu sorti trois mois plus tôt sur la première console de jeu officielle : la Magnavox Odyssey.
Et d'ailleurs, la toute première console de jeu n'est pas un ordinateur : ce système conçu par Ralph Baer est à base de logique discrète, le jeu est programmé par la conception du circuit électrique qui ne comportait que 40 diodes et 40 transistors. Les 23 cartouches de jeu ne faisaient qu'activer ou non certains circuits.
Cette première génération de jeux vidéo était assez frustre : un affichage noir et blanc aux gros carrés, pas de son, deux manettes de jeux avec un potard rotatif. Et sur la télé, deux rectangles blancs, un par joueur, un carré qui faisait office de balle, un trait en guise de mur, et c'était tout ! Oui, même l'affichage du score n'arriva que plus tard.
Le tout premier jeu vidéo familial était un tennis, dont les parties pouvaient être aussi monotones qu'une après-midi confiné devant un match de Roland Garros avec le son coupé.
Mais, Enfant du Futur Immédiat, je ne sais pas si tu te rends compte de ce que ces boites annonçaient… Ces consoles de jeu de toute première génération amenèrent le rêve que les familles puissent être maîtres de leur téléviseur familial, avec peut-être plus de joie que le magnétoscope. Et elles furent des succès ! En 4 ans, la Odyssey se vendit à 350 000 exemplaires, elle eu assez vite une multitude de concurrents, puis elle céda sa place aux consoles avec un vrai CPU, la deuxième génération.
Les premières concurrentes de la Odyssey étaient aussi des consoles à circuits logiques programmés
par la gravure et leurs composants. Il y eu ensuite une flopée de marques qui se sont jointes à la partie, et elles eurent la facilité du jeu, car des fondeurs de puces électroniques avaient déjà mâché le travail. Oui, les consoles de jeux de Philips, Grundig… et Occitel dont nous allons parler aujourd'hui, ben c'étaient des assembleurs. À la différence des assembleurs modernes de PC génériques, eux, ils avaient leur propres cartes-mères et des équipes pour assembler les composants, les souder et les mettre dans de belles boites cartonnées qui allaient faire un carton en ce Noël, c'était sûr !
Ou presque.
En gros, ces années 1970s, c'est l'époque des fabricants régionaux de matériel informatique, à la fois pionniers, et à la fois réinventant la même chose qu'à côté. Un peu comme les fabricants automobiles entre 1880 et la Première Guerre Mondiale, ils s'adressaient à des passionnés souvent fortunés. On achetait le châssis, le moteur, les commandes, les roues, mais la carrosserie et l'aménagement intérieur étaient en sus, donc souvent l'heureux acquéreur soit tentait de le faire lui, soit faisait appel à une autre société spécialisée.
Ces boites régionales n'ont pas démérité. Elles ont toutes tentées leur chance, à un moment où le marché venait seulement de se créer. Ce qui fait que certaines ont perduré, comme Apple ou Sega, ben… ce sont les fonds, la capacité de distribution, et le segment commercial qui leur a permis de trouver un public pour tenir jusqu'à aujourd'hui.
Enfant du Futur Immédiat, Dans cette release de CPU, on ne va pas faire du chauvisime en parlant d'un constructeur régional, mais on va faire un hommage à tous ces petits fabricants qui ont tenté leur chance aux tout-débuts de l'informatique familiale, durant les années 1970s, et qui telles des étoiles filantes, se sont consumées et dont les collectionneurs recherchent avidement la moindre trace.
Merci Ralph Baer d'avoir inventer le Pong pour sa console Odyssey et pour toutes ces parties endiablées.
Texte : Da Scritch
Photo : Occitel 1 dans sa boite d'origine, collection Silicium, CC Da Scritch.