Extrait de l'émission CPU release Ex0177 : Des radios libres aux grands réseaux FM.
Bonjour à toi, Enfant du Futur, toi qui te demande pourquoi tonton Da Scritch s'obstine à faire de la radio, alors que bon, y'a Youtube, Tik-Tok et Twitch, et que ça peut rapporter gros.
Eh ben, je vais te le dire : parce que justement j'y gagne pas un rond, ou plutôt je mets beaucoup de sous pour continuer à en faire. Cela s'appelle avoir une passion et la communiquer. Et ça, c'est le cas pour tous les animateurs de Radio <FMR>. Du coup, à la différence des réseaux sociaux commerciaux sus-nommés, nous ne sommes pas interrompus par la pub. Nous ne sommes pas non-plus censurés par des règles obscures et des robots informatiques à la pudibonderie qui change selon l'humeur conservatrice du moment.
Non, nous ne relevons que d'une autorité de contrôle, le CSA qui va devenir l'ARCOM.
Et pour tout le reste… C'est de la débrouille.
Je vais même être franc : Radio <FMR> a été créé en automne 1981 par une bande de copains artistes punks situationnistes. Cette station de radio était depuis le début une installation artistique ! Ils ont mis une table de mixage, une platine disque et deux micros aux mains d'inconnus lambda, pour écouter ce qu'il allait s'y passer. Dans le premier mois, ce fut une parfaite réussite : l'embryon de studio se fait cambrioler trois fois, ce qui génère d'autres radios.
Ce studio primitif était d'abord dans le fond puis au-dessus de l'ancien bar le Regalti, avenue de Grande-Bretagne. C'est pas un hasard ! Figure-toi que le bâtiment mitoyen était celui de l'arsenal de l'armée. Donc un pack de Kro™ aux plantons malheureux dans leur service militaire obligatoire, et les punks sont allés plantés l'antenne sur la caserne. Question totem d'immunité dans ces premiers mois très instables où les premières radios libres avaient encore des risques de perquisition, on avait difficilement fait mieux.
Franchement, monter un émetteur FM demandait qu'une demi journée de soudure, on trouvait les plans partout. Et si on voulait émettre un peu plus fort, il suffisait de faire un tour en Italie pour pouvoir acheter des émetteurs FM professionnels à vil prix. Oui, parce que là-bas, les radios libres existaient depuis les années 1970s, et donc leurs équipementiers ont pris un coup d'avance. J'en suis témoin donc je peux le dire, à Radio <FMR> en 1995, l'encodeur stéréo, le pilote de l'émetteur, son ampli de puissance et même la table de régie étaient de la seconde main acheté en Italie.
Quand je suis rentré dans cette radio en 1993, comme d'autres entrèrent en religion, c'était les plus riches heures de la radio : un local qui était un bâtiment complet avec bar et salle de concert. Mais toujours d'une immense fragilité : un gros cambriolage plus tard, et la radio fut quasi à la rue. Malgré tout, on a trouvé des locaux pas cher à gauche à droite, beaucoup d'huile de coude et de sueur pour monter un local sous la terrasse du Bikini, route des Étroits, de la débrouille et beaucoup de volonté.
C'est avec cette même volonté furieuse de créer et diffuser que furent montés le service minitel 36-15 FMR, des fanzines comme Le Putain de Tract ou encore nos premiers sites web. De la bidouille, du culot et beaucoup de volonté. On n'a pas de moyens, mais on a des idées !
Bien souvent, on n'a pas les meilleures conditions techniques. On est vraiment une offre alternative : des fois ça marche, des fois ça marche pas. Mais nous sommes le tiers-secteur audiovisuel qui, à côté du service public et des opérateurs privés, offre des programmes complémentaires qu'ils ne produiraient jamais, offrant à des acteurs locaux la possibilité de s'exprimer, et à de nouvelles cultures un tremplin.
Radio <FMR> est un phracking miracle : on est une des très rares des Radio Locales Privées de 1981 a encore exister dans leur esprit d'origine, toujours sans pub ni affiliation politique. D'ailleurs, il n'y a même pas de programmes imposés, de playlist à suivre, d'affiliation à un réseau.
Enfant du Futur Immédiat, il est temps que je confesse qu'entres autres Crimes contre l'Humanité, mon premier métier fut coordinateur d'antenne de <FMR>, donc d'expliquer à chacun de nos 200 punks à chiens que renverser la bière sur la table de mixage, c'est vraiment pas cool
. Plusieurs autres radios associatives ont voulu me débaucher. L'une d'entre elles, qui existe toujours, m'a dit que mon rôle serait de surveiller les bénévoles qu'ils passent bien les disques demandés, et pas de la musique funky ou disco. J'étais révulsé, mais au final, la tendance du contrôle des bénévoles l'a emporté sur la plupart des autres associatives, qui se la jouent un peu trop pro
et oublient d'être spontanées.
Ben oui, à Radio <FMR>, je suis libre, dans les limites juridiques, de faire mon émission comme je l'entends, tant que le studio reste au mieux dans le même état pour les émissions qui me suivent après. Et c'est pour ça qu'on peut parler de sujets totalement improbables comme le chiffrement de l'armée prussienne lors de la première Guerre Mondiale, l'évolution politique des telenovelas brésiliennes, ou une histoire de la pop soviétique underground. Si tu écoutes <FMR>, t'as pas fini d'être surpris ! Nous ne sommes pas payés, nous n'avons aucune obligation de le faire, seulement une envie irrépressible et sans se conformer aux mêmes moules qu'ailleurs. C'est notre marque de fabrique et c'est ce que serait la marque <FMR> par rapport à d'autres radios ou créateurs de contenus.
Enfant du Futur Immédiat, on fête les 40 ans de Radio <FMR>. Pourvu que ça dure !
Texte : Da Scritch
Photo : Régie du studio A de Radio <FMR>, CC Da Scritch