Extrait de l'émission CPU release Ex0198 : Autorité radio, première partie.
Parlons des radioamateurs, en un seul mot comme me le suggère le correcteur orthographique, ou en anglais radioham
avec un H
entre radio
et
am
, comme dans le jambon.
Dans une précédente émission, nous avions reçu Gaël Musquet qui vous avait invité, vous, auditeurs, à prendre votre licence de radio-amateur. Et comme il nous l'avait dit, il y a en proportion nettement plus de radioamateurs en Amérique du Nord qu'en Europe. Lui qui s'intéresse fortement aux moyens de résilience d'après-désastres, cette technologie de communication est primitive, mais selon son propos, très intéressante. Pour vous donner une idée de la popularité des radioamateurs aux États-Unis, revoyez l'intro fabuleuse du film « Contact » avec Jodie Foster (oui, un film de 1997) ; ou encore dites-vous que la plupart des informaticiens qui construisirent l'ère 8 bits dans la Silicon Valley ont une licence amateur, comme Steve Wozniak. La Station spatiale internationale a d'ailleurs plusieurs indicatifs radioamateurs.
Mais quelle est la différence entre les radioamateurs et la CB ?
Le cadre juridique, et je peux vous dire que l'activité est très cadrée. Avant de commencer, devenir radioamateur vous demandera d'obtenir une licence spécifique pour émettre sur des fréquences nettement plus variées : le certificat d'opérateur des services d'amateur.
Et, vous l'avez compris puisqu'on en parle dans notre interview, ce certificat est attribué en France par l'ANFR
Ce certificat, abrégé HAREC, est désormais gratuite, et délivré après un examen technique. Un examen qui est donc effectué (et corrigé) par les services de l'ANFR.
Il a existé aussi une taxe radio-amateur qui a été elle aussi été supprimée en 2019.
L'examen se déroule en deux épreuves écrites : une épreuve de 15 minutes avec 20 questions sur la législation, une épreuve de 30 minutes avec 20 questions sur la partie technologique. Reste aux candidats à bachoter fortement ; heureusement, on trouve de nombreux cours en ligne, souvent d'accès gratuit, et des simulations d'examens, voire des cours du soir dispensés par des clubs locaux de radioamateurs, l'occcasion de rencontrer ses futurs camarades de trafic radio.
Je note que depuis 2012, le morse n'est plus au programme. Quel dommage.
L'examen se passe en présentiel dans un des 6 centres régionaux de l'ANFR ; le centre le plus proche de Toulouse est à Tournefeuille, en face d'un antenniste spécialiste en site émetteurs. Ça ne s'invente pas.
Non non, sérieux, on aurait voulu en faire un gag, vous nous auriez pas crûs.
Si vous réussissez les deux épreuves, vous recevrez un superbe diplôme sur papier en bois d'arbre, qui vous attribuera officiellement un callsign, un indicatif radio international qui n'appartiendra qu'à vous. Celui-ci fera entre 5 et 7 lettres et chiffres et il est nominatif.
Mais où émettre ? En France la première attribution d'une bande de fréquence attribuée aux radioamateurs date de 1912. Actuellement plusieurs bandes de fréquence leur sont réservées, qui vont de la très basse vers les 135 kHz, jusqu'aux EHF, Extrèmes Hautes Fréquences, dans les 250 GHz. Point important : les transmissions doivent être émises en clair.
Après, peu importe si vous émettez vers les nuages, l'espace ou le sol, et le type de modulation. D'ailleurs les radioamateurs se sont amusés comme des fous pendant plus d'un siècle, et cela a été source de nombreuses innovations :
- utiliser la conduction du sol lui-même plutôt que celle de l'atmosphère ? Chiche.
- faire rebondir des ondes radios sur la Lune pour atteindre l'autre côté de la Terre ? Roger ! Roger !
- Lancer un satellite à l'usage réservé aux radioamateurs ? Yipi !
- Faire revivre 20 ans après un satellite tombé en panne en le hackant à distance ? Et allez hop !
- Inventer sur la base du fax la télévision lente ? Ben oui.
Ah oui, si vous vous demandez quelle relation existe entre les bricolos de la radio à grand-papa et les ordinateurs, je vous en donne une : le préfixe IPv4 44.
. En 1986, Hank Magnuski a demandé un bloc IPv4 pour un usage destiné aux radioamateurs. À l'époque, on était très très loin de la pénurie d'adresses IPv4 qui bloque nombre d'utilisateurs actuellement. Comme je vous l'ai dit, à cette époque, nombre de bidouilleurs sacrés de la micro-informatique sont des radioamateurs, donc le dossier d'attribution fut vite expédié : Les 16 millions d'adresses IPv4 protentielles préfixées en 44.
furent réservées au réseau informel Hamnet / AMPRNet, un service sans but lucratif.
En 2019, un quart de ces adresses ont été revendues à Amazon par AMPR ; et l'organisme associatif a profité de ce pactole pour financer différents projets radioamateurs à travers le monde. Il leur reste toujours environ 12 millions d'adresses IPv4 disponibles pour tout radioamateur, et dès que vous aurez votre licence, vous pourrez en avoir une. Et la transition vers IPv6 est là aussi toujours en discussion.
L'activité et la population des radioamateurs a subit une longue décrue, d'où l'appel de Gael Musquet pour tenter de vous convaincre de rejoindre les rangs.
Selon les chiffres que nous avons, le pic du nombre de radioamateurs en France fut atteint en 1998, avec pratiquement 20 000 licenciés en France, suivi d'une longue décrue, on ne comptait plus que 13 000 radioamateurs en France en 2018. Les changements de statuts cette année-là sont l'occasion pour de nouveaux venus de découvrir cette discipline technique.
Par contre, on ne va pas vous cacher que les tenants du radioamateurisme à l'ancienne
, de tradition
râlent parfois contre les nouveaux venus plus férus du traffic via des postes en SDR (Software-Defined Radio) via internet. Heureusement, les radioamateurs expérimentés ne sont pas tous aussi bougons et conservateurs, la plupart sont au contraire ravis de tester de nouveaux procédés et de partager avec de nouveaux convertis à la discipline.
Les radioamateurs entretiennent un héritage riche de la technologie, et rappellent qu'il n'y a pas besoin d'un diplôme universitaire pour bidouiller et faire des découvertes importantes dans la technologie. Et ces mêmes radioamateurs représentent aussi un réservoir de résilience quand les infrastructures télécoms sont détruites.
Texte : Da Scritch
Lecture : Infested Grunt
Photo : L'astronaute John L. Phillips échangeant en radio amateur depuis la station spatiale ISS avec des étudiants de Brisbane (Australie), NASA, domaine public.