Extrait l'émission CPU release Ex0063 : Drones agricoles.
Bonjour à toi, Enfant du Futur Immédiat, toi qui aimerait être non pas une petite souris, mais le pigeon qui peut se poser sur le rebord de la fenêtre lors du conseil de classe.
Depuis la nuit des temps, on a tenté de dresser les pigeons pour qu'ils fassent une carte de ce qu'ils voient là-haut. Comme l'humain n'arrivait pas à leur faire tenir un crayon, il inventa la montgolfière et pu y dessiner les paysages en plongée. De là, la cartographie devint définitivement une activité stratégique, donc militaire. Mais, en temps de guerre, les cibles ballonnées étaient trop faciles pour la canonnière. On inventa donc dans la foulée l'appareil photo et le biplan motorisé.
Au début de la seconde guerre mondiale, les avions de reconnaissance militaires français sont décommissionnés à la demande de l'occupant. Tout ce matériel militaire servira à constituer ce qui va devenir l'IGN, l'Institut Géographique National, un établissement public de création de cartes qui fit concurrence à (l'activité cartes de) Michelin (on en a rapidement parlé).
Mais reprenons la voie des airs.
Dans les années 1960s, va se populariser un loisir, celui de l'aéromodélisme : la construction de maquettes d'avions et d'hélicoptères, pilotables avec des postes de télécommandes compacts. Ce loisir connaitra une explosion quand l'électronique simplifiera le pilotage de ce qu'on nommera alors les drones aériens
, souvent raccourci en drone
, mot à la définition imprécise.
Enfant du Futur Immédiat, hélas, bien souvent, on confond le terme drone
avec un usage là encore militaire : ils seront tristement célèbres pour leurs applications guerrières, notamment les bombes dites intelligentes
, qui évidemment, n'empêcheront pas les erreurs tragiques, les morts innocents, les civils qui n'avaient rien demandé, les victimes collatérales
, celles que certaines forces armées oublient sciemment d'annoter dans leur bilan comptable. Mais on ne va pas noircir le tableau pour un très mauvais usage d'une technologie.
Oui, les drones ne sont pas que militaires, ou achetés par des voyeurs qui se pourlèche la pupille en filmant la plantureuse voisine. Et même si une rumeur insistante veut que Solarus soit un satyre adepte du Parrot™ à caméra, la réalité est qu'il s'en sert pour vérifier que sa femme est à la maison pour pouvoir lui faire son grand numéro : celui de se déguiser en commandant de bord dans l'ascenseur avant de sonner à leur porte.
Mais je dérive.
À une époque, la photo-interprétation de clichés pris par des avions ou par des satellites, était une affaire de doigté, de crayon rouge et de coup d'œil. Passer des heures à comparer deux clichés à la lunette stéréoscopique pour évaluer la hauteur des arbres et des clochers était un travail long, fastidieux et qui te mettait un sacré mal de crâne.
Le genre à ne passer en soirée qu'après une lampée de Rhum Agricole en provenance de l'île de la Réunion…
(ayé, explication du jeu de mot du titre de l'émission placé, passons : je suis charette…)
Oui, parce qu'entres autres crimes contre l'humanité, je dois reconnaitre que j'ai tenté des études universitaires en biologie, et j'ai pris pour voir l'option cartographie. Et j'ai eu la chance d'avoir un professeur extraordinaire qui bossait aussi au LAAS (Laboratoire d'Analyse et d'Architecture des Systèmes, une émanation du CNRS).
Un jour, il nous a présenté des images en proche infrarouge et en lointain infrarouge. 3 paires de clichés pris à une semaine d'intervalle d'un groupe de champs, des champs de blés. Il nous demande ce que c'est… Langue au chat dans la salle de TP.
3 semaines plus tard, nous nous sommes cotisés et programmés une sortie de terrain, genre sortie scolaire. Le prof en question demande au chauffeur de faire un détour de 3 km par rapport au trajet prévu.
Par ce petit matin clair de printemps, au milieu des champs verts d'épis de céréales en formation, nous découvrîmes la réponse aux clichés qu'il nous avait montré : Là, entre deux collines, surgissait en Technicolor un champ purpurin. D'une couleur vive si soutenue qu'il semblait solide, une masse qui ondulait comme un voile dans la brise, mais un rouge si fragile. Nous avions découvert que ce que nous avions vu d'un blanc éclatant avec des yeux d'un insecte technologique volant à des centaines de kilomètres d'altitude était un champ de coquelicots.
J'ai encore le rouge vif à l'œil et la mâchoire inférieure pendante.
C'était il y a plus de 20 ans. J'ai découvert une poésie insoupçonnée dans la photo interprétation. De nos jours, les prises de vues satellites sont transmisses par voie numérique ; les systèmes experts, comme nous disions à l'époque, ou les réseaux neuronaux convolutifs ont pris la place de ceux qui tentaient de deviner ce qu'il y avait au sol.
Enfant du Futur Immédiat, c'est par une photographie de champs prise d'un avion que fut redécouverte en 1946 la ferme gallo-romaine de Montmaurin. Elle était enterrée, oubliée de tous, ce qui l'a faisait ré-apparaitre étant son gros œuvre faisant légèrement jaunir les pousses du champ.
[Le texte complet est disponible sur le site de son auteur]
Auteur : DaScritch
Photo : NASA, processé par Norman Kuring, domaine public