Extrait l'émission CPU release Ex0065 : Dévisager.
Comment échapper à la reconnaissance faciale ? Au delà du débat législatif ou éthique, penchons nous sur la technique.
Déjà au XXème siècle, les engins de guerre utilisaient des peintures Dazzle, aussi appelées camouflage disruptif
(rien à voir avec la startup nation). De larges bandes étaient peintes sur les bateaux pour en troubler la forme, empêcher de distinguer la proue et la poupe. Le camouflage n'empêchait pas de repérer les bateaux, mais il empêchait de calculer leur angle d'approche et leur vitesse, ce qui compliquait les calculs de tirs adverses.
Aujourd’hui, la menace est tout autre. Il ne s’agit plus d'échapper aux torpilles d’un sous-marin, mais d’échapper à la reconnaissance faciale.
Tout d’abord, il vous faudra échapper à celle des magasins et des publicités. En la matière nous avons presque atteint l’état de l’art dans « Minority Report ». Les publicité ne vous identifient pas, ni ne vous interpellent, mais elles peuvent estimer votre âge, votre genre, votre humeur et vous proposer une publicité en conséquence.
Tiens une pub pour du Lexomil, je fais autant la gueule que ça ?
Ensuite, il vous faudra échapper à la reconnaissance faciale de la vidéosurveillance, euh protection, mais si vous savez, les caméra qui descendent de leur poteau pour vous protéger avec leurs petits bras. Celle qui fait le bonheur des maires démagogues et des installateurs friands de marchés publics.
Mais pourquoi donc vouloir échapper aux caméras de sécurité ?
C’est un long débat éthique, mais pour résumer disons que si nous déléguons à l’État le droit de maintenir l’ordre, ce droit a des limites et notamment le respect de la vie privée. Or, être potentiellement tracé à la rue près, cela octroie un pouvoir très étendu, qu’il convient de contenir et de réguler.
Nous avons tous en tête, l’image du braqueur de banque qui porte un passe-montagne ou un baklava (la cagoule, pas le gâteau). Ainsi le braqueur a trouvé un moyen simple d’échapper à la vidéosurveillance, reconnaissance ou pas. Ainsi on pourrait arguer que la reconnaissance faciale ne sert à rien si la vidéosurveillance seule ne peut déjà rien faire.
Mais pour le citoyen moyen, ça représente quoi ?
Dans certaines villes de Russie, il est impossible de faire un trajet sans tomber une fois sur une caméra à reconnaissance faciale, ce qui fait que les citoyens russes ont été les premiers à se pencher sur la question. Parmi eux, Grigory Bakunov a mis au point un maquillage anti-vidéosurveillance. Tout comme le camouflage Dazzle des bateau, le maquillage n'empêche pas d'être vu sur les caméras, mais gêne la reconnaissance faciale.
Le principe est de casser les traits principaux du visage, pommettes, menton, sourcils,... Ainsi, le système déjà faible, perd ses points de repère et commence à galérer.
L’algorisme
(big up à Bernard) est mis en défaut.
Autre système, des lunettes occultantes, qui renvoient les infrarouges mais sont transparentes à l'œil nu.
Le principal problème de ces systèmes, est qu'il seront considérés comme des comportements suspects
. Or les systèmes de reconnaissance faciale ont justement pour but de détecter ces comportements suspects.
Le principal problème de la reconnaissance faciale, c’est que pour être fiable, il faudrait qu’elle soit précise à plus de 70 %, hors les meilleurs tests américains obtiennent à peine 20 %
En France, la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdit de dissimuler son visage dans l’espace public. La loi votée à l’origine pour rendre la vie plus difficile aux femmes voilées, reste très vague est très floue. Ainsi est-ce que porter des lunettes de soleil ou un maquillage prononcé revient à se dissimuler le visage ? La loi ne le dit pas, n’ayant pas été conçue pour ça.
Pour en revenir à notre braqueur de banque, il continuera à dissimuler son visage sous sa cagoule tricotée par Grand-Maman.
Car celui qui commet un grand crime, fait peu d’égard des petites infractions ; et l’honnête citoyen continuera de se promener sous l’œil des caméra, repéré à l’entrée de la maison de sa maitresse. Pourtant, il avait dit à sa femme qu’il irait au bar avec des collègues.
Auteurs : Solarus
Photo : Face recognition (détail), Steven Lilley, CC