Extrait de l'émission CPU release Ex0143 : Le son laser.
Dans les années 1960s, le disque microsillon est le roi des ventes. Des géants de l'électronique grand-public réfléchissent pour stocker de la vidéo dans son format, afin de vendre des programmes pré-enregistrés aux familles, comme par exemple des films. À l'époque, la bande vidéo professionnelle fait 2 pouces de large, 5 centimètres ; une dimension peu pratique pour le grand public, qui pourtant se débattait avec des bobines de films 8 mm ou 16 mm, avec un projecteur bien plus bruyant et compliqué à mettre en place qu'un téléviseur de l'époque. C'est dire…
Donc il semblait logique pour les fabricants de restituer de la vidéo à partir d'un disque de 30 centimètres de diamètre. Ce qui veut dire passer d'une bande passante de 15 kHz pour de l'audio à 5 MHz pour de la vidéo analogique couleur.
Plusieurs recherches sont lancées en même temps à la fin des années 1960s, chaque fabricant travaillant dans son coin. On a donc 5 dispositifs étudiés :
- un système par gravure avec lecture d'oscillation d'une pointe saphir comme pour le vinyle audio,
- un système avec pointe toujours dans une spirale mais qui lit la résistance électrique de la spire,
- un autre type de disque mais avec un enregistrement magnétique, un peu comme les disquettes et disques durs qui pointaient leurs nez en informatique,
- un autre type de disque à lecture optique par transparence, un peu comme les pistes sonores sur les pellicules cinéma,
- et un dernier type de disque optique, lisible par réflectance.
Le LaserDisc est issu de cette dernière technologie : un substrat en nylon transparent, qui comporte d'un côté le signal modulé en hauteur, et une très fine pellicule métallique d'or ou d'argent qui sert à réfléchir le faisceau de lumière pour le lire. Et le faisceau de lumière utilisé, stable et cohérent, est d'une technologie toute nouvelle : le laser.
Le laser va passer à travers le substrat sur la surface lisse, va se réfléchir sur le métal, va faire le retour dans le substrat, et va frapper une cellule photovoltaïque, plus ou moins fort selon la hauteur de la partie miroir… dont l'amplitude d'oscillation est en dessous du micromètre.
Sur les premiers appareils, la longueur d'onde de la lumière fait 632,8 nanomètres, une belle couleur rouge-orange issue d'un laser hélium-néon. Pour des raisons évidentes de sécurité et pour éviter les procès de clients devenus aveugles en bricolant leur appareil croyant qu'il brûlait, le laser à gaz fut remplacé par la suite avec un laser issu d'un cristal, émettant un infrarouge invisible à 780 nm. La diode laser devint très compacte et surtout bien moins cher qu'un laser au gaz.
La première version publique du LaserDisc tournait à vitesse constante, en CAV (Constant Angular Velocity), chaque révolution du disque, donc chacune des spires, contient une image. L'arrêt sur image était absolument parfaite mais le procédé limitait la qualité de l'image à la bande passante disponible près du centre du disque. Et la durée de chaque face était de 30 minutes maximum.
Le tout premier lecteur commercial fut construit par MCA et Pioneer en 1978. General Motors en achète immédiatement des camions pour ses concessionnaires automobiles. Le disque vidéo proposait une image télé absolument parfaite et un son stéréo, idéal pour la communication corporate des grands groupes et un tel dispositif pouvait tourner sans fin dans les vitrines des magasins, sans dégradation notable d'image et sans maintenance.
Ah mais, je ne vous ai pas dit… quand le LaserDisc est commercialisé au public en 1978, son premier nom commercial est dans l'air du temps : DiscoVision
J'imagine le désespoir de l'équipe marketing quand le reggae a tué la disco l'année suivante.
Et donc le format prit le nom de LaserVision puis LaserDisc avec lequel il eu plus de succès. Yep. Deux noms, un pour l'appareil et un pour le disque, et le plus connu allait devenir un cauchemar pour les commerciaux de Philips et Sony qui eux préparaient la sortie du Compact Disc.
Au même moment, et c'est une digression, Universal combattait les magnétoscopes en assignant Sony devant la justice pour complicité de piratage. Inutile de dire qu'un format vidéo qui ne peut que lire des disques pré-enregistrés avaient les faveurs des majors. La suite, vous la connaissez…
Pioneer racheta les parts dans le consortium LaserDisc des deux autres créateurs, Philips et MCA, et devint le principal mainteneur du format. Histoire de rire, RCA qui était une entreprise américaine gigantesque, se payait le luxe de développer un autre format vidéo sur disque, le SelectaVision, utilisant un stylet suivant un sillon plutôt qu'un laser glissant sur une surface lisse. Bien que moins cher, le SelectaVision était bien plus fragile, se dégradait à l'usage et sorti bien trop tard, en 1981 alors que le LaserDisc s'était déjà fait la réputation de support vidéo haute qualité.
Et depuis les films « Star Wars », tout le monde ne jurait que par le laser.
L'une des premières évolutions proposée au LaserDisc fut la lecture en CLV (Constant Linear Velocity) où la vitesse de rotation du disque ralentissait quand la tête de lecture s'approchait de l'extérieur. La longueur métrique lue étant constante, on peut stocker plus de vidéo par face, environ 64 minutes. Seuls les lecteurs très haut de gamme dispensaient le spectateur de retourner le disque en pleine course-poursuite…
Le Laserdisc fut vite asservi à des ordinateurs pour être utilisé comme bornes vidéos interactives, et forcément… il devint la star des bornes d'arcades avec les jeux « Dragon's Lair » et « Space Ace », de vrais dessins animés interactifs du légendaire réalisateur Don Bluth, inventant les QTE (Quick Time Event) que le joueur devait réaliser dans le temps programmé. Si le joueur suivait exactement le tempo de l'animation, il survivait jusqu'à la scène suivante.
Mais le LaserDisc restera un marché de niche ; trop cher, des évolutions incompatibles, et toujours lié à une des plaies de la télévision analogique de l'époque : l'incompatibilité entre les systèmes NTSC américain, NTSC japonais, PAL et SECAM.
Le principe qu'un disque coûte peu cher à produire ne marche qu'avec de gros tirages, en les pressant par centaines de milles, or entre-temps, le prix des magnétoscopes VHS devint largement plus démocratique, pour un support enregistrable, et permettant de lire 4 heures sans interruption. Les VHS pré-enregistrées pouvaient s'industrialiser avec des duplications accélérés, pour un investissement moindre par rapport au LaserDisc.
Mais le LaserDisc reste pour les cinéphiles le format sur lesquels ont trouve la meilleure qualité de reproduction pour des films dans leur montage original surtout s'ils ont été remaniés entre-temps, censurés ou dont les masters originaux ont été perdus, comme la première trilogie « Star Wars » ou encore « Akira », dont les éditions blu-ray ont des détails écrasés par les mauvaises restaurations numériques…
Le LaserDisc fut un support coûteux, pour une restitution haut de gamme, et qui vécu au Japon jusqu'à l'arrivée du DVD en 1997.
Alors pourquoi avoir parlé du LaserDisc ? L'évolution qui nous intéresse dans ce format fut qu'il intégra assez vite à côté d'une piste stéréo analogique, une piste stéréo numérique au format PCM, dans les résolutions de son fils spirituel : le Compact Disc.
Seul le texte est en licence Creative Commons, le sonore est © Radio <FMR>.
Texte : Da Scritch.
Illustrations sonores : Village People - YMCA ; Bob Marley & The Wailers - I shot the sheriff ; Lightsaber CC-O joe93barlow ;
jingle de changement de page de livre-disque Disney.
Photo : CD (ou DVD) comparé à un laserdisc sur un lecteur laserdisc. CC-0 domaine public, non crédité, via pixy, détail.