Extrait de l'émission CPU release Ex0189 : Code-barres.
Après que l'UPC devint le standard choisi par l'union des supermarchés américains, le code-barres fut vite étendu en Europe. On reparlera dans une prochaine émission du successeur de l'UPC d'IBM, le EAN-13 qu'on appelle désormais le GTIN et qui est donc sur quasiment tous les produits vendus en magasin. Ce nombre à 13 chiffres est la forme la plus fréquente de code-barres que vous voyez.
Le code-barres mettra du temps à entrer dans les mœurs. À la fin du IIème millénaire, il était vu comme un objet technologique bien sympathique mais dont l'adoption par une entreprise voulait dire aussi informatiser toute une chaîne de production. Bien souvent, les fabricants de taille moyenne et les grandes entreprises avaient leur propre système d'inventaire, donc d'identification de produits. Passer à un index universel revenait à mettre à la poubelle tous leurs travaux et investissements antérieurs. Ou presque.
La démocratisation de l'informatique dans les années 1980s allait lever les derniers obstacles pour l'adoption du code-barres. Et il a aussi très rapidement remonté en amont : il fut plus vite adopté dans les chaînes de montages et la logistique que dans les magasins. Le code-barres a ainsi fortement aidé sur l'identification des pièces détachées sur les chaînes de montage pour la production à la demande, ce que l'on appelle le Just-in-time dans le Toyota Production System, et qui permet donc de proposer plusieurs gammes de produits en n'ayant qu'une seule chaîne de production, sans avoir à produire des stocks inutilement.
De nos jours, il n'y a toujours aucune obligation d'avoir un code-barres, donc qu'un produit soit enregistré dans un index universel des produits. Du moins obligation légale. Par contre, quand on a un produit physique que l'on souhaite vendre dans des magasins qui ne vous appartiennent pas, à quelques très rares exceptions près, vous n'aurez pas le choix d'en arborer un dès que vous passez par un grossiste.
On va passer en détail ce que le code-barres a changé dans la gestion d'un magasin et pour le client.
D'abord, le prix n'est plus forcément sur l'emballage. Celui-ci est donc désormais lié à la référence d'un produit (y'a des astuces qui permettent de mettre un prix spécifique dans un code-barres).
[Voix très lassée] Et ceux qui ont eu cette passionnante activité rémunérée [soupir] d'étiqueter ou de ré-étiqueter à la pince étiqueteuse des palettes entières de petites boites savent combien il est important pour l'élévation de l'Homme et de la Femme de ne pas avoir à encore ré-étiqueter ces satanées boites de petit-pois pour une hausse de 5 centimes…
Un problème se pose alors : l'étiquette du prix n'est plus sur le produit, ce qui donne lieu à une méfiance légitime des consommateurs. Au début des années 2000s, des hyper-marchés ont commencé à déployer des bornes où le chaland peut vérifier lui-même le prix d'un produit de son caddie avant de passer en caisse. Très vite, des personnes dans les travées d'hypers ont tenté de hacker le système en traçant discrètement a la mano des barres au feutre noir dans un code-barres imprimé en espérant tomber sur un prix bien moins cher. Vu le nombre de dispositif de corrections d'erreurs d'un code-barres, et le catalogue géré par un magasin, c'est à la fois extrêmement aléatoire, mais aussi très compliqué de ne pas se faire chopper.
Depuis une dizaine d'année, des chaînes de supermarchés ont commencé à déployer des caisses automatiques, où le client, armé d'un petit scanner à code, scanne lui-même les produits au fur et à mesure qu'il les mets dans son caddie. Qu'en déduire ? Faire croire à une responsabilisation du client, tout en ajoutant encore plus de vidéo-surveillance dans le magasin, et en même temps réduire fortement le nombre d'emplois en caisse… Je vous laisse seuls juges quant à déterminer si c'est un projet de société acceptable.
Autre effet de bord intéressant : dans les appels aux boycotts des produits israéliens par les comités de soutien pro-palestiniens, ils recommandent à leurs partisans de regarder les premiers chiffres du code-barres, qui donne un indice sur le pays de l'entreprise productrice . Ce qui a incité certains fabricants à ne plus répliquer le numéro GTIN en clair à côté du code-barres.
Mais là où on a un usage plus qu'intéressant grâce à l'index universel GTIN, ce sont des applications comme Open Food Facts. Vous téléchargez sur votre smartphone Open-Food Facts, et vous scannez les produits comme vous voulez à tout moment, tant que vous avez du réseau. Qui du coup, grâce aux données entrées par sa communauté, donne des informations comme les ingrédients, le Nutriscore, l'impact environnemental estimé, si le produit est bio, issu du commerce équitable, vegan ou pas trop transformé industriellement.
Et ce qui est encore plus impressionnant est de voir une personne malvoyante s'en servir sur son smartphone, en faisant simplement tourner l'emballage devant la caméra de son appareil, jusqu'à ce qu'elle entende un bip, et accéder à la description grâce à la synthèse vocale de son smartphone.
N'est-ce pas un usage du numérique utile et génial ?
Texte : Da Scritch
Illustration graphique : code-barres EAN-13, CC-By-SA VaGla