Extrait de l'émission CPU release Ex0198 : Autorité radio, première partie.
La CB est une abréviation dont, en France, on a souvent oublié sa réelle signification : Citizen Band. Elle est une étonnante survivance, celle de l'accès citoyen au média radio avec un usage bi-directionnel, aux premiers chats anonymes avec des inconnus désincarnés. À une époque où il n'y avait que 4 grandes radios mono-directionnelles, et où lalibre antenneétait encore très très maîtrisée, la CB va être l'un des premiers réseaux sociaux ouverts en France.
La CB était une concession faite par l'État fédéral américain à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, quand la FCC, la Federal Communication Commission, a attribué une petite partie du spectre hertzien pour un usage libre et sans avoir besoin d'une licence spécifique.
Tout ce qui est aéromodélisme, maquettes pilotées a pu se faire justement dans la bande CB. D'autres applications en ont profité : les baby-phone, les téléphones sans fils de maison, des applications qui transmettent des informations très personnelles… sur une bande de fréquence que vraiment n'importe qui peut écouter. Inutile de dire que cette époque fut très formatrice pour des spécialistes en sécurité informatique.
La CB a été une révolution aux États-Unis, où les appels téléphoniques ont toujours été chers, doublée de la mobilité car la CB a été perçue comme liée à l'usage de l'automobile. Mais n'oublions pas son usage aussi dans les loisirs, notamment pour les randonneurs, les skieurs et les loisirs nautiques. On ne compte plus le nombre de promeneurs en perdition qui ont pu joindre les secours grâce à un talkie premier prix.
Contrairement aux radios-amateurs, aucune licence n'est demandée pour utiliser la CB. L'achat d'un émetteur-récepteur est libre, mais les communications sont obligatoirement en clair et en analogique.
La largeur de bande utilisée et la modulation analogique donnent un son très téléphonique, la multitude d'intervenants rend cette écoute parfois confuse, et la portée reste limitée, en général pas plus d'une centaine de kilomètres avec une installation standard. Les fréquences autorisées en France vont de 26,965 à 27,405 MHz, divisés en 40 canaux, et la puissance émise maximale de 4 W est littéralement modeste.
Son usage est en half-duplex : vous parlez sur la même fréquence que vous écoutez. Donc si vous émettez, vous ne pouvez pas entendre les autres personnes qui parlent en même temps.
D'où l'usage du bouton push-to-talk
, le fameux bouton de takie-walkie appuyez pour parler
, à la différence de votre téléphone qui est full-duplex.
Oui, la CB a été une révolution dans les communications, à l'époque où seulement une centaine de personnes par pays eurent un très coûteux radiotéléphone. La CB fut une plus qu'un loisir pour ceux dont les familles sont éloignés, pour les petits commerces de livraisons et pour les routiers, qui sont sympas.
Et c'est toute une culture populaire dans les années 1960/1980 qui va éclore, avec un vocabulaire fleuri, qui va même donner le nom à un album BD de Spirou en 1966 : « QRN sur Bretzelburg ».
Objectivement, la CB restera très marginale en France. Les automobilistes italiens en incursion en France brouillaient littéralement une région avec leur puissance sur-vitaminée
, ce qui ne va pas aider à donner envie de rejoindre la conversation publique. Et la CB sera aussi perçue par nombre de Français comme symbole d'une certaine vulgarité, car comme le chantait Renaud à propos de son beau-frère :
Et puis dans sa R 16, y a la C.B. tu penses
« 73 la station, tête de nœud en fréquence »
Soyons honnêtes : les très élégantes grandes courbes des très longues antennes souples étaient parfois redécorées par leur propriétaires d'une queue de renard, les berlines ainsi relookées n'ont objectivement pas gagné en style. Et le grand public français a découvert la CB via la série télé « Shériff fait moi peur », laquelle vante un certain style de vie du sud des États-Unis… celle des rednecks, les républicains à la gâchette très facile, tout comme les vannes sexistes et autres réflexions bas de Stetson.
Et aux États-Unis justement, la CB va commencer à s'étioler à la fin des années 1990s : les opérateurs mobiles en mode CDMA lancent un mode de communication particulier, le push-to-talk, abrégé commercialement en PTT. En gros, on appuie sur un bouton, et on envoie à maximum 4 numéros pré-sélectionnés des messages de 30 secondes. Des communications gratuites conçues pour concurrencer les SMS des opérateurs concurrents en norme GSM, pour attirer des familles entières vers un même opérateur. Ce mode de communication, qui en plus permet de consulter les messages plus tard, va réduire la popularité de la CB aux États-Unis.
La longue pente descendante de la CB nous incite à classer cette technologie de communication en artefact du passé
, malgré ses vagues de revival, un peu comme les coupes mulet.
De nos jours, un combiné CB à main tout comme un kit pour voiture se trouvent neuf dans la centaine d'euros. Mais attention : les appareils à bas prix et/ou de marque inconnue peuvent ne pas respecter la législation française, et donc émettre trop fort ou trop baver sur des fréquences voisines, ce qui vous met potentiellement en infraction. Le logo CE n'est aucunement une garantie de conformité radioélectrique.
Texte : Da Scritch
Illustration sonore : Renaud « Mon beauf' » et un extrait de la VF de la série « Shérif, fais-moi peur »
Photo : CC-By-SA Deutsche Fotothek de la Bibliothèque de l'État libre de Saxe (SLUB)