Interview diffusée dans les émissions CPU release Ex0218 : Masterclass Jordan Mechner, première partie et CPU release Ex0219 : Masterclass Jordan Mechner, deuxième partie et dans un épisode de Cross-Over. Interview enregistrée le 7 novembre 2023 en public.
Jordan Mechner est un des noms mythiques dans la création de jeux vidéos. Parce qu'il a créé un titre au succès international dans les années 1980s, « Prince Of Persia », mais aussi parce qu'il a adapté une technologie issue du cinéma, le rotoscoping, sur un des tous premiers micros familiaux 8 bits pour son jeu « Karateka ». À l'époque, Jordan Mechner était un jeune auteur de jeux vidéo doué et passionné. De nos jours, il est aussi auteur de bandes-dessinées, scénariste pour Hollywood, réalisateur de documentaires, et auteur d'ouvrages qui relatent son expérience, mais aussi l'histoire de sa famille. C'est justement le sujet de sa bande-dessinée « Replay : mémoires d'une famille » sortie aux éditions Delcourt. À sa lecture, on découvre que sa famille a continuellement été en mouvement, ce qui explique peut être pourquoi Jordan Mechner s'est toujours attaché à la fluidité de l'animation des personnages dans ses jeux vidéos.
Depuis un bail, l'équipe de CPU souhaitait le rencontrer, et bizarrement, sa tournée de dédicace n'est pas passée par Toulouse. Alors vu qu'il vit à Montpellier, nous avons appelé quelques amis. Radio <FMR> s'est associée avec la librairie BD Terres de Légendes, les cinémas Utopia Toulouse Borderouge, l'association de préservation informatique Silicium et l'association de professionnels du jeu vidéo Toulouse Game Dev pour lancer une invitation à Jordan Mechner, pour une rencontre publique, une séance de dédicaces suivies d'une séance carte blanche cinéma.
Cette interview est co-animée par René Speranza, président de l'association Silicium, par Da Scritch, pour l'émission CPU et par Infested Grunt, pour l'émission Cross-Over.
Nous interviewons donc Jordan Mechner :
- Créateur de jeux dont « Karateka », « Prince of Persia » et « The Last Express » ;
- Cinéaste réalisateur de documentaires ;
- Auteur de bandes-dessinées dont son autobiographie familiale « Replay, mémoires d'une famille »
- Interview, première partie :
- Quel fut votre premier contact avec un ordinateur ?
- Votre premier jeu à succès fut Karateka, qui est peut-être le tout premier jeu avec des sprites rotoscopés. Avant ça, on a eu une borne d'arcade, avec « Dragon's Lair », avec des dessins-animés réalisés par Don Bluth. Vous même avez suivi des études à la fac, avec une option cinéma. Au début des années 1980s, qu'est-ce que le le jeu vidéo avait à apprendre du cinéma ?
- Dans « Karateka », on a un scénario, des protagonistes, une progression dans l'histoire. Ces idées de mise en scène venaient de vous ou de votre éditeur Brøderbund ?
- « Karateka » a fait l'objet d'un making of par le studio Digital Eclipse. Un documentaire interactif où on peut jouer à chaque version de développement du jeu. Vous en étiez à l'initiative ou c'est un studio qui vous l'a proposé ?
- Après « Karateka », vous enchaînez sur « Prince Of Persia », où là aussi vous avez publié votre journal de bord. Qu'est-ce qui vous a motivé dans la publication de votre making of de « Prince Of Persia » ?
- « Prince of Persia » est plus sanglant. Je pense aux morts sur les piques ou les portes mâchoires. Vous aviez eu des remarques à ce sujet à l'époque ?
- Pourquoi avoir commencé à développer « Prince Of Persia » sur une machine qui avait déjà plus de 8 années d'existence, donc incroyablement datée dans l'industrie du jeu vidéo ?
- Le jeu « Karateka » sur Apple II a un comportement étonnant quand on démarre le jeu en insérant la disquette 5¼" à l'envers dans l'Apple II. Pourriez-vous nous expliquer ce qui se passe alors ?
- Est-ce que des making of par les auteurs originaux des jeux existaient au moment où vous écrivez votre journal de bord ?
- Interview, deuxième partie :
- Après « Prince of Persia », ce fut le bond vers la 3D avec « The Last Express ». On n'est plus dans le platform game, mais dans le whodunit à la Agatha Christie. Pourquoi ce changement ?
- Si on parle encore aujourd'hui de « Prince Of Persia », ce n'est pas seulement pour sa merveille graphique, son histoire et sa difficulté, mais parce qu'il a connu une suite, et est devenu une marque. Comment êtes-vous passé de Brøderbund à Ubisoft ?
- Quelle était la principale différence de culture entre les deux structures ?
- Et justement, un jeu dit
AAA
, c'est énormément de temps de production. Pouvez-vous nous expliquer le concept deproduction hell
? - Le passage chez Ubisoft, c'est aussi la production d'un film à grand spectacle dans l'univers du jeu que vous avez créé. C'est plutôt rare qu'un créateur de jeu vidéo soit impliqué dans ce type d'adaptation. C'était par contrat ou les producteurs avaient besoin de votre regard ?
- Depuis une quinzaine d'années, il y a un retour à l'esthétique des jeux 8 bits, sur le graphisme, la musique, la simplicité et la difficulté. Qu'est-ce qui, d'après vous, a motivé ce retour ? La nostalgie ou l'envie de revenir à des équipes de productions plus petites ?
- On vous a proposé aujourd'hui une carte blanche. Étonnement, vous n'avez pas choisi un de vos propres documentaires « Waiting for Dark » ou «< Chavez Ravine : A Los Angeles Story », pourtant ce dernier a été primé dans des festivals.
- Ce sont les limites de l'Apple II qui vous ont fait créer des protagonistes de « Prince of Persia », comme le double maléfique ou la petite souris. Ces contraintes techniques rendent créatives, vous manquent-elles ?
- Interview, troisième partie :
- Votre famille semble avoir dans ses traditions d'écrire un journal intime. Savez-vous jusqu'à qui remonte cette tradition ?
- Quand le projet éditorial germe en vous, y associer les précédentes générations de votre famille était l'idée d'entrée ?
- En étant en France, y'a des bandes dessinées qui vous plaisent vu que l'offre est différente aux États-Unis ?
- Malgré des histoires difficiles, la BD Replay permet de ressentir un amour des français. Quelle est votre affinité avec la France ?
- Avec « Liberté ! », vous revenez sur la relation entre la milice rebelle américaine et l’état royal de France. Pourquoi choisir la BD pour cette histoire, plutôt que le cinéma ou le jeu vidéo ?
- Comment avez-vous rencontré Étienne Le Roux et Loïc Chevallier, des dessinateurs spécialisés dans les BD historiques ? Connaissiez-vous leurs précédentes œuvres (« 14-18 », « Les Frères Rubinstein »,…) ?
- Dans votre bd, votre fille fait une remarque très intéressante sur la différence entre les lycées américains et français. Et après, vous vous offusquez à raison sur une tentative de ré-écriture de l'histoire. Quelle est la différence de rapport qu'un américain a avec l'histoire par rapport à un européen ?
- Chaque membre de la famille a vécu un déracinement : votre grand-père avec la Première Guerre mondiale, votre père avec la Seconde et vous avec la côte ouest américain. L'installation en France sera-t-elle la dernière ? Les retrouvailles semblent-elles marquer la fin de ces périodes difficiles, comme dans les fins de « Prince of Persia » ou de « Karateka » ?
- Comme auteur de bande-dessinées, vous êtes plus à l'aise en tant que scénariste ou dessinateur ?
- Y'a un musée que vous aimeriez faire à Toulouse ? Georges Labit et ses collections orientalistes, le musée de la Résistance, le musée Paul Dupuy ou le Cloître des Jacobins ? Le bunker Silicium ? ;-)
Interview : René Spéranza, Da Scritch et Infested Grunt
Enregistré lors de la journée spéciale consacrée à l'invité dans le cinéma Utopia Borderouge.
Photo : Jordan Mechner durant l'enregistrement de l'interview, © Philippe F4CZD pour Silicium